mardi 16 juin 2009

Ex falso sequitur quodlibet…



Le mardi 9 juin 2009 au tout petit matin, un ami me fait parvenir, sous l’intitulé « L’Arche de la Noé » [les irréductibles du Canard enchaîné qui sont aussi des fidèles de San Antonio et des nostalgiques de Coluche riront] et en précisant « j’ai du mal à y croire », un communiqué de l’agence NOVOpress [inconnue de moi] daté du 1er avril 2009 à 8h ( !) :

« Les pharmacies parisiennes bientôt obligées de décrocher leur enseigne en forme de croix ?

Une association maghrébine parisienne, Paris-Beurs-Cités, a adressé il y a une dizaine de jours une lettre à la mairie de Paris afin de demander que soient « progressivement supprimées des devantures des pharmacies les enseignes en forme de croix ».

La conseillère technique du Cabinet de Bertrand Delanoë en charge des cultes, Ilda Vrospinos, a officiellement répondu que la demande allait être « examinée avec la plus extrême attention ».

L'association, qui se présente pourtant comme « non confessionnelle » et entend « regrouper les jeunes Français issus de l'immigration maghrébine afin de les aider à trouver leur place dans une société encore largement discriminatoire » explique sa démarche par le fait que « ce symbole religieux ostentatoire, vestige d'une époque révolue où la religion catholique était omniprésente dans notre pays » est susceptible de « heurter la susceptibilité des croyants non chrétiens mais aussi des personnes non [religieuses] ou antireligieuses » et « contrevient gravement au principe républicain de laïcité ». « Alors que la crise économique accroît les risques d'affrontements intercommunautaires [?], ces enseignes à forte connotation religieuse pourraient être ressenties par certains comme une forme de discrimination, voire comme une provocation », poursuit Paris-Beurs-Cités.

La demande pourrait bien aboutir si l'on en croit la réponse officielle de Mme Vrospinos, qui affirme dans la lettre qu'elle a adressée à l'association « comprendre pleinement [ses] préoccupations ». La conseillère indique qu'elle va « soumettre [sa] demande à [M.] Bertrand Delanoë qui, n'en doutez pas, va l'examiner avec la plus extrême attention ». La conseillère technique précise également que le maire de Paris « qui a fait du "vivre ensemble" l'un des fondements de son engagement », « est très attentif à la bonne entente entre communautés » et qu'il est « pleinement conscient du caractère néfaste de certains anachronismes ».

Une dernière phrase lourde de menaces »…

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Mal réveillé (piètre excuse), intrigué par l’économie générale du discours prononcé au Caire 5 jours avant par le nouveau président des Etats-Unis, les défauts et fautes du monde « arabo-musulman » – traité comme un seul bloc et non pas comme un agrégat de nations – étant mis en regard de « défauts et fautes » des Etats-Unis – de l’Occident en général – à l’égard de ce monde-là ; préoccupé par les perspectives moyen-orientales ouvertes par ce discours, fort surprenantes compte-tenu de la réalité-du-terrain, je ne relève pas la date de publication de ce communiqué de presse, ne m’étonne pas que cette information n’ait pas eu plus d’écho, ne remarque pas que le nom de l’Association mentionnée évoque clairement un sandwich « marqué », très prisé par les Parigots d’antan et, ne connaissant pas les membres de l’équipe du Maire de Paris, n’ai aucune raison de douter de l’existence de Mme Ilda Vrospinos, « conseillère technique du Cabinet de M. Bertrand Delanoë en charge des cultes »…

En revanche, sachant vivre dans un pays où le communautarisme prospère ; dans un pays où l’on appelle officiellement « réfugiés » des ‘Palestiniens’ qui n’étaient pas nés quand leurs parents, voire leurs grands-parents, ont subi (ou précédé) l’événement qui leur a donné cette triste qualité ; dans un pays qui se repent volontiers de certaines « fautes » pour ne pas en reconnaître d’autres [voir, dans cet espace, Un curieux penchant I, II, III et IV, mis en ligne en février et mars 2009] ; convaincu, en revanche, par la demande, formulée dans une langue de bois quasi parfaite, de l’association « Paris-Beurs-Cités » telle que rapportée par NOVOpress, c’est très sérieusement que je réponds à l’ami en question :

« J'ai aussi du mal à y croire : non à la demande supposée de cette association (!) mais au fait que la Mairie de Paris, si elle a effectivement reçu cette demande, y accorde de l’attention.

L'agence NovoPress n'est pas très nette, semble-t-il, étant connue pour son penchant xénophobe – j'ai trouvé un article qui le dit et le dénonce sur ce site http://www.acrimed.org/article2106.html

Néanmoins, puisqu'il existe une association, dite Les Indigènes de la République, ne paraissant pas savoir que la « décolonisation » est une veille affaire ni qu’il existe une Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité, autorité administrative indépendante créée par la loi le 30 décembre 2004[1]), on doit admettre que rien n'est vraiment impossible dans notre bon vieux pays, bien que je voie des limites à son américanisation façon « Démocrate » : « post-modernes » qu’ils sont, c’est-à-dire « relativistes », les Démocrates d’outre-Atlantique peuvent bien renoncer aux symboles religieux publics au motif qu'ils seraient « offensants » pour ceux qu’y ne s’y reconnaissent pas – combien d’incidents ridicules où bibles, crucifix ou ménoras sont impliquées, occupant indûment l’espace médiatique –, parce que leur protestantisme mou, sans dogme ni vrais rites – juste une sorte de posture sociale – et leur tolérantisme sceptique – ne croyant plus à rien, ils peuvent quasiment tout accepter, se féliciter du délitement du Symbolique et l’accélérer…


Mais nous, Français, ne sommes pas seulement catholiques – quelle superbe représentation d'un corps homogène ! – mais aussi gallicans : nous voulons bien d’une Eglise mais voulons que notre Prince ait le pas sur elle. Les églises peuvent bien se vider mais l'attachement viscéral au gallicanisme des Français, y compris ceux, récents ou pas, dont les spiritualités sont « autres » – qui peut aussi s'appeler « exception française » – ne se défera pas aussi rapidement : il ne s’agit évidemment pas de croyance, identifiée comme telle, mais du socle de l'identité nationale, ce qui explique et l'arrivée de la République, la vraie, la IIIe, et le paganisme de la Révolution nationale !

On peut bien sûr observer qu'il y a un autre signe permettant d'identifier les pharmacies où l’on peut reconnaître un serpent ; observer aussi que cela fait assez longtemps que marketing et parapharmacie ont remplacé Caritas, que la Croix, de signe impliquant est devenu signifiant fourre-tout. »


*

Dans la foulée, une amie, elle aussi destinatrice du communiqué de Presse en question, étant allée de sa boutade sceptique, « Alors, on va bientôt demander d'interdire le croissant dans les boulangeries… », non moins sérieusement, j’enchaîne :

« Ce serait frustrant, bien sûr, mais pas totalement incongru : le croissant qui accompagne le café du matin n'aurait-il pas été inventé pour célébrer la victoire des Autrichiens contre le Turc arrêté aux portes de Vienne dans sa marche conquérante fin XVIIe siècle ?

En ces temps d'apaisements multipolaires (!), la mise hors la loi du croissant pourrait consoler la Turquie de son non-statut européen, partenaire-mais-pas-membre-de-l'UE, et ferait un pendant si délicieusement français, le style, la finesse, aux gestes du nouveau président américain destinés à lui gagner les bonnes grâces du monde « arabo-musulman »…

Au-delà du croissant et des viennoiseries, on peut aussi se demander, comme le faisait Himmler s'adressant à son masseur (!) Felix Kersten le 7 décembre 1942, ce qui se serait passé si les choses avaient tourné autrement :

‘‘Supposons que les Turcs, dans les rangs desquels des Européens combattaient d’ailleurs, y compris dans des positions élevées, aient conquis Vienne et l'Europe en 1683 au lieu d'avoir été forcés d se retirer. Si les Musulmans avaient remporté la victoire, alors, si l'Islam [par conséquent] s’était invinciblement répandu en Europe, les Eglises chrétiennes auraient été dépolitisées. (...)

Les Turcs étaient religieusement tolérants, ils ont permis à chaque religion de continuer à exister, à condition de ne plus être impliquée dans la politique – sinon, c'en était fini’’[2].

Une autre histoire, d'évidence... Cela étant, certaines boulangeries devraient être empêchées de vendre des « trucs » spongieux, ou sucrés, ou collant au palais, qu’elles ont le front d’appeler ''croissants'' ! »


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Le mercredi 10 mai aux aurores, préoccupations, incrédulité et agacement ont inexplicablement (!) disparu : un président des Etats-Unis, surtout celui actuellement en exercice, qui aime le Verbe et le manie fort bien, se soucie peu du vrai, tout juste du vraisemblable, quand il est essentiellement question de réussir un « coup » rhétorique face à un auditoire réticent ; une association qui choisit le terrain politique plutôt que la clandestinité a (heureusement) droit à toutes ses fantaisies – sauf celles que la loi punit ! – dans notre bon vieux pays ; un communiqué de presse publié un 1er avril ne peut-être qu’un canular – en l’espèce, tendancieux.

Et quid de Mme Ilda Vrospinos ? Prénom et nom, malicieusement déformés, d’une personne réelle ? Point du tout : « Ilda Vrospinos, est l'anagramme de ‘‘Poisson d'avril’’ »[3].

Un dernier mot. L’ami qui m’a joliment piégé, et proteste maintenant de son innocence (!), est un fin connaisseur de Romain Gary et de Rousseau, des masques, des vérités fautives et des mensonges vrais, par conséquent. J'aurais pu m'en souvenir avant.

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Notes :

[1] On peut, par exemple, lire sur le site de ce mouvement (www.indigenes-republique.org) un article de Sadri Khiari, « Un Parti des indigènes, pour quoi faire ? », dont voici le début :

« Un Parti des indigènes aura pour objectif fondamental d’organiser et de poursuivre la lutte pour la décolonisation et contre la perpétuation des inégalités raciales. Il aura pour objectif culturel de promouvoir une vision de l’histoire et du monde qui n’aurait pas pour centre, considéré comme supérieur, l’Euro-Amérique blanche (!). Son but sera de participer, aux côtés d’autres forces politiques de par le monde, à remettre en cause la suprématie culturelle, politique et économique, des puissances, constituées dans la traite négrière transatlantique et la colonisation, sur l’ensemble des autres peuples. Au sein de l’espace politique qui a pour nom la France, un Parti des indigènes agira pour que l’Etat renonce à sa politique impériale et démantèle ses institutions militaires, politiques, culturelles, économiques de domination à l’échelle internationale (!!). En particulier, le Parti des indigènes agira pour que les peuples des actuelles colonies françaises (« Dom Tom ») puissent librement choisir leur destin. Il se mobilisera contre la participation de la France à la construction d’une Europe blanco-chrétienne (!!!). Il agira pour remettre en cause l’ensemble des institutions, des dispositifs et des logiques sociales qui contribuent à la reproduction des hiérarchies raciales sur lesquelles reposent la domination et les privilèges blancs. Exprimé en termes positifs, le Parti des indigènes a pour objectif en France la réalisation d’une société et d’un système politique fondés réellement sur l’égalité des individus entre eux et des communautés, indépendamment de leurs couleurs, de leurs origines, de leurs cultures, de leurs spiritualités. »

[2] Cité par Emerson Vermaat, « Heinrich Himmler's Adoration of Islam », Frontpage mag, 8 juin 2009.

[3] « J'avais éventé le canular, mais je n'ai pas été aussi perspicace (ou aussi bien informé) que l'internaute (vivisrael) qui vient de me mettre au parfum. Il me signale, en effet, que le nom, "Ilda Vrospinos", est l'anagramme de "Poisson d'avril". Merci à lui (pas au poisson ! A vivisrael !). Mon amour propre se console en constatant que je ne suis pas le seul à ne pas avoir décodé l'anagramme. A quelque chose malheur est bon : en retraçant les contrôles que j'ai faits et auxquels les webmestres qui ont relayé le "canard" sans soupçonner que c'était un "poisson", auraient pu facilement procéder, j'ai montré quelles étaient les vérifications élémentaires à faire pour ne pas prendre des vessies pour des lanternes. Donc : "ILDA VROSPINOS !", pour le 1er avril passé... Rions », Menahem Macina, « Sus aux enseignes en forme de croix des pharmacies: Sûrement un "poisson d'avril"! », 8 avril 2009, http://www.upjf.org/

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Illustrations :

« LISEZ LA BIBLE » (Bourgogne) © copyright Patrick Jelin

Théâtre Dejazet (Paris) © copyright Patrick Jelin.

Centurions (Rome) © copyright RZ.

Feu d'artifice (Vendée) © copyright Alain Zimeray.

Camion de ravitaillement (Villa Borghese) © copyright RZ.



Ex falso sequitur quodlibet © copyright 2009, Richard Zrehen.

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