Le 7 novembre 2007, l’Université de Leyde (Pays-Bas) annonçait officiellement qu’elle allait confier sa chaire d’Islamologie (financée à hauteur de 2 500 000 € par le Sultanat d’Oman) à Tariq Ramadan, professeur de philosophie, théoricien de l’Islam et essayiste suisse. Le ministre hollandais de l’Education et de la Culture, M. Ronald Plastek ayant « soutenu le choix de l’Université en affirmant qu’il s’agissait de la liberté académique, que l’Université était indépendante et que le gouvernement donc n’avait pas à intervenir », cet engagement dans une université étrangère aurait dû aller à son terme, contrairement au précédent : début 2004, l’Université catholique américaine Notre Dame (Indiana) avait proposé à l’administrateur du Centre Islamique de Genève de devenir « Henry R. Luce professor of religion, conflict and peacebuilding » à la rentrée suivante. Mais, fin juillet 2004, la Sécurité Intérieure américaine avait révoqué son visa, en invoquant son soutien à des « entreprises terroristes ».
Soutien public : au Dr. Hassan 'Abd Allah al-Turabi, par exemple, politique et religieux soudanais, à l’origine de l’application de la Shâria dans le nord du pays, proche d’une milice impliquée dans le conflit du Darfour, et plutôt compréhensif envers les membres égyptiens d’Al-Qaeda, menés par Mustafa Hamza, et leurs alliés du contre-espionnage soudanais qui avaient tenté d’assassiner en 1995 le président égyptien, Hosni Moubarak - pendant son séjour en Ethiopie. Dr. Hassan 'Abd Allah al-Turabi qui, en retour, ne tarit pas d’éloges à l’égard de l’universitaire suisse.
Soutien moins public : par exemple, selon les services de renseignement français, il aurait laissé à Djamel Beghal, condamné en 2004 à 10 ans de prison pour tentative d’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris, le soin de préparer ses discours dans les années 1990 ; ou encore il aurait, avec son frère Hani, organisé en 1991 une rencontre à Genève entre l’égyptien Ayman al-Zawahiri (second d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al-Qaeda) et Omar Abdel Rahman (le sheikh aveugle, cerveau du 1er attentat contre le World Trade Center de New York en 1993, depuis emprisonné à vie au Minnesota). Toutes charges que l’intéressé conteste avec énergie.
Tariq Ramadan, l’un des « 100 penseurs qui comptent » selon Time Magazine d’avril 2004, ancien conseiller de Tony Blair, alors premier ministre britannique, nommé au lendemain des attentats de Londres en juillet 2005, est notamment l’auteur de Jihâd, violence, guerre et paix en Islam, Arabes et musulmans face à la mondialisation : Le défi du pluralisme, Islam : Le face à face des civilisations - Quel projet pour quelle modernité ? et Muhammad, Vie du Prophète. Enseignements spirituels et contemporains.
Trois semaines plus tard, le théologien suisse annonçait qu’il déclinait l’invitation, et précisait sur son site : « La presse a prématurément annoncé cette décision avant même que celle-ci ne soit officialisée. Aux réactions positives, se sont mêlées quelques voix critiques [« Au parlement néerlandais, conservateurs et populistes ont contesté l'engagement de Tariq Ramadan, qualifié par ses adversaires de ‘risque pour la sécurité nationale’ », selon Le Temps] mais celles-ci n’ont eu aucune influence sur ma décision (…) Le prestige des Etudes Islamiques de l’Université de Leiden de même que la nature et l’étendue du travail proposé étaient particulièrement attractifs et intéressants. Il me fallait contrebalancer cela avec une situation de famille, d’autres projets académiques importants et d’autres propositions aussi sérieuses. Après mûres réflexions, j’ai dû, avec regrets, prendre la décision de renoncer à occuper [cette] Chaire ».
Soutien public : au Dr. Hassan 'Abd Allah al-Turabi, par exemple, politique et religieux soudanais, à l’origine de l’application de la Shâria dans le nord du pays, proche d’une milice impliquée dans le conflit du Darfour, et plutôt compréhensif envers les membres égyptiens d’Al-Qaeda, menés par Mustafa Hamza, et leurs alliés du contre-espionnage soudanais qui avaient tenté d’assassiner en 1995 le président égyptien, Hosni Moubarak - pendant son séjour en Ethiopie. Dr. Hassan 'Abd Allah al-Turabi qui, en retour, ne tarit pas d’éloges à l’égard de l’universitaire suisse.
Soutien moins public : par exemple, selon les services de renseignement français, il aurait laissé à Djamel Beghal, condamné en 2004 à 10 ans de prison pour tentative d’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris, le soin de préparer ses discours dans les années 1990 ; ou encore il aurait, avec son frère Hani, organisé en 1991 une rencontre à Genève entre l’égyptien Ayman al-Zawahiri (second d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al-Qaeda) et Omar Abdel Rahman (le sheikh aveugle, cerveau du 1er attentat contre le World Trade Center de New York en 1993, depuis emprisonné à vie au Minnesota). Toutes charges que l’intéressé conteste avec énergie.
Tariq Ramadan, l’un des « 100 penseurs qui comptent » selon Time Magazine d’avril 2004, ancien conseiller de Tony Blair, alors premier ministre britannique, nommé au lendemain des attentats de Londres en juillet 2005, est notamment l’auteur de Jihâd, violence, guerre et paix en Islam, Arabes et musulmans face à la mondialisation : Le défi du pluralisme, Islam : Le face à face des civilisations - Quel projet pour quelle modernité ? et Muhammad, Vie du Prophète. Enseignements spirituels et contemporains.
Trois semaines plus tard, le théologien suisse annonçait qu’il déclinait l’invitation, et précisait sur son site : « La presse a prématurément annoncé cette décision avant même que celle-ci ne soit officialisée. Aux réactions positives, se sont mêlées quelques voix critiques [« Au parlement néerlandais, conservateurs et populistes ont contesté l'engagement de Tariq Ramadan, qualifié par ses adversaires de ‘risque pour la sécurité nationale’ », selon Le Temps] mais celles-ci n’ont eu aucune influence sur ma décision (…) Le prestige des Etudes Islamiques de l’Université de Leiden de même que la nature et l’étendue du travail proposé étaient particulièrement attractifs et intéressants. Il me fallait contrebalancer cela avec une situation de famille, d’autres projets académiques importants et d’autres propositions aussi sérieuses. Après mûres réflexions, j’ai dû, avec regrets, prendre la décision de renoncer à occuper [cette] Chaire ».
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Tariq Ramadan, petit-fils d’Hassan al-Banna, fondateur (1928) en Egypte, des Frères musulmans, est bien connu en France : pour son éloquence et son militantisme radical ; pour un débat mémorable (le 20 novembre 2003, dans l’émission 100 minutes pour convaincre, en présence de J.-M. Le Pen) avec N. Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, au cours duquel il avait déclaré – sans convaincre le ministre de son libéralisme – qu’il était partisan d’un « moratoire sur la pratique de la lapidation des femmes adultères » telle que préconisée par son frère Hani Ramadan, suivant la Shâria ; également pour ses polémiques en 2005, à propos de « leur vision négative de l’Islam et leur soutien automatique à Israël », avec ceux qu’il appelle « les nouveaux intellectuels communautaires », A. Adler, A. Finkielkraut, A. Glucksman, B. Kouchner B.-H. Lévy et P.-A . Taguieff. « Nouveaux intellectuels communautaires » (faut-il rappeler ici que P.-A. Taguieff n’est pas juif ?) qui le tiennent, en retour, pour un antisémite. Charge que l’intéressé conteste aussi avec énergie.
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En revanche, l’Université de Leyde – où enseigne depuis 2004 le Dr Frits Bolkestein, qui a donné son nom à une célèbre directive - est moins connue…
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On a certainement oublié chez nous qu’un « cousin » hollandais des professeurs qui peuplaient la IIIe république, selon Albert Thibaudet, y a, en 1933, affirmé des principes qui semblent aujourd’hui démonétisés. Ainsi, en juillet 2007, Columbia University (New York) invitait le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, à débattre librement de son projet d’« effacer Israël de la carte »... Columbia University qui, en 2000 déjà - et dans un registre moins grave -, avait estimé que le geste d’un de ses enseignants-vedettes, le défunt orientaliste pro-palestiniste Edward W. Said – photographié en juillet 2000 dans le Liban-sud, en train de lancer une pierre en direction d’une position israélienne – n’était pas critiquable et relevait de la « liberté académique » - selon le doyen de l’époque, Jonathan R. Cole.
Johan Huinzinga (1872-1945), le célèbre historien d’art, l’un des fondateurs de l’Histoire culturelle, l’auteur de Homo Ludens, alors recteur de l’université de Leyde a décidé, en avril 1933, d’annuler l’invitation faite (par son université) à Johannes von Leers (1902-1965) d’assister à une conférence internationale : il venait d’apprendre que von Leers, universitaire nazi, avait écrit un pamphlet antisémite, Juden Sehen Dich An (Les Juifs vous surveillent) dans lequel le « crime rituel juif » (« assassinat d’enfants chrétiens par les Juifs pour ‘récupérer’ son sang, nécessaire à la confection du pain azyme pour la Pâque ») était présenté comme un fait avéré.
Huinzinga a tenu bon, a résisté à toutes les pressions, a eu des problèmes avec les éditeurs suisses et allemands qui publiaient ses livres et, ultimement, est mort en captivité aux mains des Nazis, mais van Leers n’aura pas été l’hôte de son université.
Pour l’anecdote, van Leers, un protégé de Goebbels qui appréciait ses talents de propagandiste, chaud partisan de la « solution finale », allait, après quelques années passées dans l’Argentine de Peron, se convertir à l’Islam dans les années 1950 et entrer au service du président égyptien G. A. Nasser – rejoignant ainsi nombre de ses camarades d’un combat qui, pour eux, n’avait pas cessé avec la défaite de l’Allemagne nazie. En 1953, il parlera avec émotion de « l’émouvant accueil plein d’humanité que des centaines de ‘réfugiés allemands’, des milliers peut-être, ont reçu des musulmans du Moyen-Orient après la guerre » (Wiener Library Bulletin, XI, 1-2, 1957).
Mais dès 1934, van Leers vantait la grande tolérance de l’Islam dans Der Kardinal und die Germanen (“Le Cardinal et les Allemands”). En, 1936, dans Blut und Rasse in der Gesetzgebung (“Sang et Race dans la Législation”) il exprimait son admiration pour « l’Islam impérieux et guerrier de peuples qui ont une claire composante raciale nordique ». De 1938 à 1942, il s’est beaucoup intéressé aux relations (mauvaises) entre le Prophète et les Juifs à Médine. Et, en 1957, il expliquera ainsi le choix de son « nom de baptême » au nazi américain H. Keith Thompson : « J’ai embrassé l’Islam et pris pour nom Omar Amin, Omar, pour le Calife Omar (Omar Ibn Al Khattab, 2e calife de l’Islam, mort en 644) implacable ennemi des Juifs, Amin, en l’honneur de mon ami Hadj Amin el Husseini, le Grand Mufti (de Jérusalem, célèbre pour son « Izbah Al-Yahud ! » (« Egorgez les Juifs ! ») ayant provoqué les massacres de Hebron et Safed en 1929, « invité spécial de Hitler » à Berlin de 1941 à 1945, organisateur de l’assassinat du roi Abdallah de Jordanie en 1951, oncle de Mohammed Abdel-Raouf Arafat As Qudwa al-Hussaeini, aka Yasser Arafat, entre autres) ».
A la veille de sa mort, van Leers s’était fait l’avocat d’une expansion de l’Islam en Europe dont la jonction avec l’Islam du Maghreb et celui de certaines républiques d’URSS ( !) devait, à terme, constituer un bloc uni et puissant, pouvant traiter d’égal à égal avec l’Ouest et l’Est.
Johan Huinzinga (1872-1945), le célèbre historien d’art, l’un des fondateurs de l’Histoire culturelle, l’auteur de Homo Ludens, alors recteur de l’université de Leyde a décidé, en avril 1933, d’annuler l’invitation faite (par son université) à Johannes von Leers (1902-1965) d’assister à une conférence internationale : il venait d’apprendre que von Leers, universitaire nazi, avait écrit un pamphlet antisémite, Juden Sehen Dich An (Les Juifs vous surveillent) dans lequel le « crime rituel juif » (« assassinat d’enfants chrétiens par les Juifs pour ‘récupérer’ son sang, nécessaire à la confection du pain azyme pour la Pâque ») était présenté comme un fait avéré.
Huinzinga a tenu bon, a résisté à toutes les pressions, a eu des problèmes avec les éditeurs suisses et allemands qui publiaient ses livres et, ultimement, est mort en captivité aux mains des Nazis, mais van Leers n’aura pas été l’hôte de son université.
Pour l’anecdote, van Leers, un protégé de Goebbels qui appréciait ses talents de propagandiste, chaud partisan de la « solution finale », allait, après quelques années passées dans l’Argentine de Peron, se convertir à l’Islam dans les années 1950 et entrer au service du président égyptien G. A. Nasser – rejoignant ainsi nombre de ses camarades d’un combat qui, pour eux, n’avait pas cessé avec la défaite de l’Allemagne nazie. En 1953, il parlera avec émotion de « l’émouvant accueil plein d’humanité que des centaines de ‘réfugiés allemands’, des milliers peut-être, ont reçu des musulmans du Moyen-Orient après la guerre » (Wiener Library Bulletin, XI, 1-2, 1957).
Mais dès 1934, van Leers vantait la grande tolérance de l’Islam dans Der Kardinal und die Germanen (“Le Cardinal et les Allemands”). En, 1936, dans Blut und Rasse in der Gesetzgebung (“Sang et Race dans la Législation”) il exprimait son admiration pour « l’Islam impérieux et guerrier de peuples qui ont une claire composante raciale nordique ». De 1938 à 1942, il s’est beaucoup intéressé aux relations (mauvaises) entre le Prophète et les Juifs à Médine. Et, en 1957, il expliquera ainsi le choix de son « nom de baptême » au nazi américain H. Keith Thompson : « J’ai embrassé l’Islam et pris pour nom Omar Amin, Omar, pour le Calife Omar (Omar Ibn Al Khattab, 2e calife de l’Islam, mort en 644) implacable ennemi des Juifs, Amin, en l’honneur de mon ami Hadj Amin el Husseini, le Grand Mufti (de Jérusalem, célèbre pour son « Izbah Al-Yahud ! » (« Egorgez les Juifs ! ») ayant provoqué les massacres de Hebron et Safed en 1929, « invité spécial de Hitler » à Berlin de 1941 à 1945, organisateur de l’assassinat du roi Abdallah de Jordanie en 1951, oncle de Mohammed Abdel-Raouf Arafat As Qudwa al-Hussaeini, aka Yasser Arafat, entre autres) ».
A la veille de sa mort, van Leers s’était fait l’avocat d’une expansion de l’Islam en Europe dont la jonction avec l’Islam du Maghreb et celui de certaines républiques d’URSS ( !) devait, à terme, constituer un bloc uni et puissant, pouvant traiter d’égal à égal avec l’Ouest et l’Est.
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Leiden University : Then and now...
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Sources principales :
Andrew G. Bostom, Appointing an Islamist, Frontpagemag.com, 8 novembre 2007.
Daniel Pipes, Why Revoke Tariq Ramadan’s Visa ?, Frontpage.com, 27 août 2004.
Le Temps, www.letemps.ch, 10 novembre 2007
Tariq Ramadan, A propos de la Chaire d’Etudes Islamiques de l’Université
de Leiden, tariqramadan.com, 28 novembre 2007.
Andrew G. Bostom, Appointing an Islamist, Frontpagemag.com, 8 novembre 2007.
Daniel Pipes, Why Revoke Tariq Ramadan’s Visa ?, Frontpage.com, 27 août 2004.
Le Temps, www.letemps.ch, 10 novembre 2007
Tariq Ramadan, A propos de la Chaire d’Etudes Islamiques de l’Université
de Leiden, tariqramadan.com, 28 novembre 2007.
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