vendredi 15 février 2008

De mortuis nil nisi bonum dicendum est




Georges Tabard (Michael Lonsdale) : Antoine, parlez-vous anglais ?
Antoine Doinel (Jean-Pierre Léaud) : J’apprends avec des disques, mais ce n’est pas facile.
GT : Les disques, c’est de la blague. Il n’y a qu’une seule façon d’apprendre : au lit, avec une anglaise… J’ai appris avec une australienne pendant que son mari peignait des maisons.
Fabienne Tabard (Delphine Seyrig) : Comme Hitler.
GT : Adolf Hitler n'a jamais été peintre en bâtiment ! C’est de la calomnie. Il peignait des paysages.

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A la fin janvier 2008, on apprenait le décès du Docteur Georges Habache [dit El Hakim, le Sage], emporté par une crise cardiaque à Amman (Jordanie), où il résidait depuis 1992.
Dans Al Watan (quotidien algérien « indépendant »),
Hamid Tahri
fait un portrait réaliste-soviétique de « [cet] adversaire irréductible de l’Etat juif… dont [il] prônait la destruction, [de ce] chef de guérilla marxiste en qui nombre de Palestiniens célébraient un patriote… [de cette] personnalité attachante, populaire, parfois timide, jusqu’à l’effacement, mais aussi intransigeante, sévère, pour ne pas dire dure lorsqu’il s’agit de dénoncer toutes les injustices, toutes les vilénies... » « Il est modeste, chaleureux, amical, délicat, disait de lui un de ses amis, militant de la vieille garde palestinienne. Mais, quand il s’agit de politique, c’est un chef dur et obstiné dans le carcan de ses convictions ».

Extraits :

« Né le 2 août 1926 à Lydda en Palestine (aujourd’hui Lod) dans une famille de commerçants grecs orthodoxes, Georges a suivi un cursus scolaire sans accrocs, jusqu’à cette fatidique année 1948. Alors qu’il suit des études de médecine à l’université américaine de Beyrouth, son destin bascule devant la barbarie à visage inhumain de la Hagannâh, milice sioniste qui s’emploie violemment à nettoyer ethniquement la Palestine. La population arabe de sa ville natale est priée de quitter les lieux dans l’heure, sous peine de mort. Les protestataires sont froidement abattus […].
Habache assiste impuissant à ce triste épisode. Des centaines de femmes et d’enfants sont tués. En six mois d’opérations, ce sont 800 000 Palestiniens qui prennent le chemin de l’exil. Habache retourne à Beyrouth où il fonde, avec un autre étudiant palestinien grec orthodoxe, Waddie Haddad, Les jeunesses de la vengeance, un groupe armé clandestin visant à faire pression sur les dirigeants arabes, en éliminant ceux qui collaborent avec l’occupant sioniste. Avec son doctorat en poche et sa spécialisation en pédiatrie, il part avec son ami soigner les réfugiés dans un camp en Jordanie…
… En 1957, il est impliqué dans la tentative de coup d’Etat contre le jeune roi Hussein de Jordanie. Il est condamné par contumace à 33 ans de prison. Il fuit en Syrie, puis au Liban…
… La guerre des Six jours, une autre malédiction arabe, qui verra l’effondrement du nassérisme, donnera l’occasion à Georges de fédérer de nombreux groupes de résistants [notamment le Front de Libération de la Palestine d'Ahmed Jibril] au sein du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) dont il devient le premier secrétaire général. Le parti connaîtra des problèmes. L’aile marxiste-léniniste fait scission autour de Nayef Hawatmeh qui crée le Front Démocratique de Libération de la Palestine (FDLP). Habache devient, au fil des mois, le leader dont les masses arabes rêvaient. Il devient la bête noire des Israéliens…
… Dans les années qui suivent, Georges montre clairement son hostilité à la politique menée par Arafat. Le FPLP quitte le Parlement national palestinien. Lors de la signature de l’accord d’Oslo en 1993, George constitue un front du refus à Damas et l’élargit aux groupes islamistes tels que le Hamas et le Jihad. Son état de santé l’oblige à quitter progressivement la scène politique… En 1992, [déjà]… Georges a[vait] été victime en 1992 d’une attaque cérébrale. Il avait été accueilli et soigné en urgence en France [à l’hôpital Henri Dunant], ce qui avait provoqué un tollé, notamment au sein de la droite française qui s’en était pris à
Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères…
… Durant la crise du Golfe [1990-91], il consent à se rendre à Amman pour la première fois depuis le Septembre noir de 1970 et à rencontrer son vieil ennemi, le roi Hussein. Mais il n’a rien perdu de sa véhémence ! Alors, dénonçant la coalition anti-irakienne, il déclare, notamment : ‘‘Nous avons le doigt sur la gâchette pour ouvrir le feu sur les intérêts américains et occidentaux’’.
… [Il démissionne] en 2000 de son poste de secrétaire général… son adjoint Zibri, alias Abou Mustapha… lui succède... [Il] sera assassiné par l’armée israélienne à Ramallah le 27 août 2001. Son successeur Ahmed Saâdat [professeur de mathématiques] est emprisonné [par l’Autorité Palestinienne] depuis 2002 [pour avoir commandité l’assassinat, en 2001, du ministre israélien du Tourisme, Ré’havam Zéevi]...
… Le FPLP a à son actif de hauts faits d’armes. Dans son tableau de chasse, il a commandité l’attentat de l’aéroport de Tel Aviv [situé à Lod] commis en 1972 par trois kamikazes japonais (26 morts)… ordonné l’attaque contre les passagers d’El Al à Orly en 1978 (deux morts), puis l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris en 1980 (deux morts, soixante-deux blessés)… [organisé] détournements [d’avions] et enlèvements [d’israéliens, d’américains, de français, notamment] au nom de la lutte palestinienne…. Sans parler de l’assassinat de nombreux collaborateurs dont le plus connu est Zafer El Masri, maire de Naplouse en 1986…
… Il a vécu pour son peuple, et il est mort pour son peuple. Son épouse Hida a promis de continuer le combat : ‘‘Nous porterons la bannière de Habache et de la nation arabe qu’il chérissait. Habache a toujours cru que la Palestine serait libérée’’… »
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Le président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, a rendu hommage samedi à Georges Habache. Selon son porte-parole, Nabil Abou Roudeina, il a déclaré : « Le décès de ce leader historique est une grande perte pour la cause palestinienne et pour le peuple palestinien pour lequel il a combattu durant soixante ans » et ordonné « de mettre les drapeaux en berne pour trois jours en signe de deuil et d'ouvrir une salle pour recueillir les condoléances »...
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Sources :
François Truffaut, « Baisers volés » (1968).
Hamid Tahri, « Georges Habache, le leader palestinien rebelle, est décédé à 82 ans », Al Watan, 31 janvier 2008.
Le Monde.fr, 26 janvier 2008.
Illustration (Képisme) : Copyright François Bensimon

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