lundi 25 février 2008

Ecce Homo...




A chaque élection décisive, par exemple présidentielle, se rejoue une vieille bataille, celle qui a opposé les philosophes et les sophistes dans l’Athènes de Platon : argumentation versus séduction, ordre des raisons versus ordre des sentiments. L’époque étant ce qu’elle est ( !), les « philosophes » d’aujourd’hui sont politologues, économistes, animateurs de groupe de réflexion et autres gens sérieux-et-responsables, abordant la politique au travers de l’analyse quantitative - comme un directeur des achats ; les « sophistes » eux, sont des communicateurs – et ils n’ont pas bonne image.
Aux chiffrages controversés des programmes répondent donc choix de cravate, tailleur ou coupe de cheveux, gravement examinés et évalués, comme si une argumentation technique pouvait commander absolument le choix de l’électeur, comme si une tenue pastel ou des incisives limées pouvait jamais empêcher Napoléon (Napoléone ?) de percer visiblement sous Bonaparte…
Il y a de l’affect dans la politique, et pas seulement des intérêts calculables, il y a accomplissement de désir et pas seulement jugement synthétique – du genre de celui qui s’exerce lorsqu’il s’agit de déterminer l’équipement électro-ménager le plus approprié à ses moyens et à l’espace dont on dispose. – Et encore, même là, le « goût » intervient.
C’est parce qu’il y a de l’affect en quantité qu’il y a enthousiasme, passion et aveuglement. Un président, prenant au sérieux la « filiation » dont l’a doté son vichyssois de père en « relevant » un nom, au point de vouloir se faire admettre dans la société des descendants de pionniers américains dont était membre le porteur du nom éteint. Des jeunes gens, sous la pluie, un soir de mai 1981, demandant « du soleil » à l’homme de la Cagoule, l’ami de Bousquet, élu contre le précédent. Jacques Chirac traité de « fasciste », pendant 30 ans, par une gauche vertueuse ne parvenant pas à reconnaître qu’il faisait partie de la famille radicale-socialiste. Ou bien encore George W. Bush, régulièrement comparé à Hitler par la gauche éclairée de Hollywood et de la Ivy League, qui, comme il faut bien des « camps » pour justifier sa comparaison, désigne à l’attention ceux dans lesquels sont internés des terroristes - capturés dans des zones de combat…
Il n’y pas que l’affect mais aussi le dispositif général dans lequel il circule -le « psychisme » si on veut -, qui dépend, comme le soupçonnent, chacun à sa façon, Castoriadis, Deleuze, Lefort, Lyotard et Marin, a à voir avec les récits dans lesquels les peuples fondent leur « identité », leur « Histoire » si on veut, avec le type de mise en ordre du pulsionnel qu’ils se sont choisi, la façon dont ils transforment, en la narrant, la différence sexuelle sans figure en opposition représentable-dicible : Lumières, Emancipation, Réaction, Progressisme, ancêtres gaulois, aryens-sémites, colonisateur-colonisé, etc.
Sans oublier le traitement de la Présence réelle chez les christianisés : chez les catholiques, le pape est en principe le maître du Symbolique, et le roi, celui du Politique. La question de la représentation légitime peut donc se poser, souvent violemment, pas celle de l’incarnation – sauf en France, gallicanisme et Louis XIV obligeant, où le roi a un corps double ; chez les réformés de toutes persuasions, tout un chacun - chanteur, prédicateur, pèlerin en proie au syndrome de Jérusalem, auteur de science-fiction ou homme politique - peut prétendre à être maître du Symbolique, la place étant vacante, la question de l’incarnation ne cesse de se poser. – Le cas, complexe, des orthodoxes ne nous intéresse pas ici.
La campagne présidentielle bat présentement son plein aux USA, il est difficile de ne pas le savoir, et le sénateur de l’Illinois, M. Barak Hussein Obama a de fortes chances de l’emporter : il est beau, il est jeune, il est authentiquement africain-américain (caractérisation qui lui a longtemps été déniée par ceux des américains qui se la sont appropriée), il est jeune, il est beau, il a reçu l’onction du clan Kennedy, ce qui n’est pas rien dans un pays qui souffre encore d’avoir été privé d’un président jeune et beau, et il est plus « présentable » que le président assassiné à Dallas par un agent du KGB, au lendemain de la crise des missiles de Cuba : il a certes, lui aussi, des amis compromettants (un pasteur antisémite, des animateurs de « charités » islamistes) mais ce n’est pas un homme à femmes. Sinon, les partisans de Mme Hillary Rodham Clinton se seraient arrangés pour le faire savoir.

Quel rapport avec l’incarnation ?
*
Diagnostic

L’une des éditorialistes du Wall Street Journal, Peggy Noonan, qui ne doit pas être de ses partisans, écrit ceci à propos du sénateur de l’Illinois :
« La grande force de Barack Obama n’est pas son éloquence. Quand vous regardez M. Obama faire un discours, vous vous penchez en avant et pensez : C’est bon. Il est engageant. J’aime sa façon de parler. Et après ça, tous les commentateurs disent de lui qu’il est “incroyablement éloquent’’… Mais en fait, quand vous allez sur Internet, trouvez une transcription du discours et l’imprimez pour la lire, c’est-à-dire quand vous retranchez M. Obama et laissez ses mots parler d’eux-mêmes, vous vous rendez compte que le discours n’était pas spécialement intéressant…
M. Obama est magnétique, interagit avec le public, martèle un refrain : ‘‘Yes, we can’’. C’est bon, et comparé à Hillary Clinton et à John McCain, qui ne semblent, ni l’un ni l’autre, vraiment aimer faire des discours, ça paraît meilleur que ça n’est. Mais est-ce de l’éloquence ? Non. L’éloquence, c’est une pensée profonde exprimée avec des mots précis. Chez M. Obama la partie “pensée profonde” est manquante. Ce qui est présent, ce sont les sentiments. »

*

Symptôme

Dans le Washington Times, Jennifer Harper écrit :
« La nation va peut-être voir arriver quelques bébés prénommés ‘‘Barack’’, ces prochains mois, quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle…
Barack a été couronné « Prénom de l’année » par Laura Wattenberg, créatrice du Baby Name Wizard, un site « chercheur de tendances » populaire chez les futurs parents (IVillage.com), qui offre des avis circonstanciés à ceux qui entrent dans la compétition des prénoms de bébé.
‘‘Ce n’est pas une prise de position politique, juste une prise de position sur les prénoms dans notre culture. Le sénateur Barack Hussein Obama conduit les prénoms politiques américains vers des terres inexplorées… Il a déjà créé un précédent, en faisant d’un prénom un thème de campagne…’’
Barack n’apparaît pas encore sur les listes de la sécurité Sociale, qui se fonde sur les certificats de naissance pour mesurer la popularité des prénoms des garçons et des filles… »


*


Re-Symptôme

Selon The Swamp, blog politique du groupe Tribune, « le jour précédant un débat au Texas, le sénateur Barack Obama a attrapé froid. [Le lendemain], au bout d’une demie-heure de discours, le Démocrate de l’Illinois a annoncé qu’il devait faire une courte pause : ‘‘Je dois me moucher. J’en ai pour une seconde.’’…
Il sort un Kleenex... et s’essuie le nez.
La quasi totalité des présents, estimés à 17 000, selon les membres de son équipe de campagne, éclate en applaudissements. »

*


Contre-symptôme

La thèse écrite par la future Mme Obama en 1985, « Princeton-Educated Blacks and the Black Community », a été retirée de la Bibliothèque de Princeton, et ne sera pas accessible avant l’élection présidentielle de novembre prochain.
Extrait : « [La voie que j’ai choisie en m’inscrivant à Princeton va, selon toute vraisemblance] me conduire à m’intégrer et/ou à m’assimiler encore plus dans une structure culturelle et sociale blanche qui ne me permettra que de rester en périphérie de la société et jamais de devenir une participante à part entière. »
*
Sources :
Peggy Noonan, « Try a Little Tenderness », Wall Street Journal, 22 février 2008.
Jennifer Harper, « Barack inspires change in baby names », The Washington Times, 21 février 2008.
James Taranto, « Obama Blows it », Wall Street Journal, 21 février 2008.
Jeffrey Ressner, « Michelle Obama thesis was on racial divide », Politico.com, 22 février 2008.
Illustrations : 1, copyright François Bensimon ; 2, copyright Dominique Fury.

1 commentaire:

Cesco a dit…

A propos du syndrome de Jérusalem :

La ville « trois fois sainte » suscite parfois des comportements délirants : parmi la foule des voyageurs, pèlerins ou touristes qui se pressent à Jérusalem depuis des siècles, un petit nombre est victime de ce que les spécialistes appellent le syndrome de Jérusalem, sorte de bouffée délirante issue d’un choc émotionnel non maîtrisable lié à la proximité des Lieux saints. Chaque année, une quarantaine de personnes seraient hospitalisés à Jérusalem pour ce type de symptômes.

Une étude tout à fait sérieuse des médecins de l’hôpital psychiatrique de Kfar Shaul à Jérusalem a été publiée à ce propos dans le British Journal of Psychiatry, dont on peut trouver ici une traduction française.