jeudi 29 mai 2008

Auto-Promotion de printemps

Voici des livres récents, auxquels j’ai prêté la main…

1) Je vois la musique, de Patrick Jelin, français/anglais (photos P. Jelin, Textes P. Jelin & R. Zrehen, traduction E. Singer), Ateliers Private Images, 2007. Ou : comment un photographe, qui est aussi musicien, célèbre la Nature dans/par un objet technique de son invention, le Technochrome, en moulinant sons et couleurs, en machinant des transferts de vibrations, en décontextualisant des formes. Métamorphoses.


Extraits :

De l’abstract au Technochrome

L'idée d'« abstract », s'est imposée à moi en 1980, du temps où je trempais dans la mer des photocopies coloriées de photographies. Je les sortais de l'eau et je les installais sur le sable pour les photographier.

Un abstract est « une Présentation abrégée reprenant l'essentiel du contenu d'un texte, d'un discours, d'un document, d'un film » ; mes abstracts étaient des condensés d'histoires intimes, mais je ne le savais pas encore.

A l'époque, j'agissais par impulsion, par jeu, par plaisir, et cette célébration innocente de la nature, cette jouissance irréfléchie de l'élément, me procuraient un grand sentiment de liberté, d'ivresse, même.

Progressivement, j'ai pu déplier le processus et reconnaître mes abstracts pour ce qu'ils étaient depuis le début : non seulement des condensés de récits de passages de seuil - degrés de réel, de reflets, de reflets de reflets, de charge, surcharge et décharge d'énergie chromatique - mais aussi des condensés des réponses embarrassées que je tentais, en résistant-succombant à son emprise, de donner à la question de la Technique, depuis mon « lieu » d'exercice…

Je touche la couleur, je respire l'espace, je vois la musique, j'entends le silence : perception réglée-déréglée d'impressions flottantes, qui se croisent, se superposent, se désagrègent et ne subsistent qu'à l'état de traces. Mémoire trouée.

Technochromes : avec ces objets techniques, j'essaie de figurer les mécanismes aléatoires-sélectifs qui machinent la mémoire, ménageant à chacun une entrée dans la langue et singularisant sa Parole.

Mécaniquement, d'un état à l'autre, il y a de la perte. Pour résister à l'érosion, à l'oubli, à la « tentation pédagogique », je recharge en couleur, je rehausse les traits, j'accuse les contrastes. Façon de remonter le temps : redonner aux masques toute leur puissance…


Prix : 104 € (http://www.ateliersprivate.fr/editions.html)

*

2) Israel on Israel, Michel Korinman & John Laughland eds, Vallentine Mitchell, London, 2077. Traduction de l’essentiel du numéro n° 9 d’Outreterre, revue française de géopolitique animée par M. Korinman, (octobre 2004, « Israël en Israël »), auquel ont participé, entre autres, Ariel Sharon, Shimon Peres, Shlomo Ben-Ami, Emmanuel Sivan, Illan Pappé, Avi Primor et Pierre-André Taguieff.

Ma contribution, intitulée « Emergence of Shas », est consacrée à ce parti « religieux » dirigé par un rabbin charismatique, le rav Ovadia Yossef, qui a donné d’abord une visibilité, ensuite une identité politique aux juifs séfarades, plus généralement aux juifs orientaux d’Israël : parti qui irrite fort l’Establishment israélien, plutôt laïque, et reste une énigme pour les élites post-voltairiennes en Occident – où « religieux » est toujours synonyme d’intégrisme et de jusqu’au-boutisme.


Extraits :

« Le Shas (Sfaradim Shomréi Torah = Gardiens Séfarades de la Torah) est né en 1984, à l’initiative du rav Eliezer Menahem Shach, ancien dirigeant du Conseil des sages de la Torah, assemblée de plusieurs rabbins constituant l’instance dirigeante de l’Agoudat Yisrael, l’un des deux grands partis politiques du judaïsme ashkénaze en Israël (l’autre étant le Parti National Religieux, qui a succédé au Mizrahi).

Le rav Shach, homme à l’influence très large, héritier de la grande tradition lituanienne (par opposition à la tradition hassidique), celle du Gaon Elyahou de Vilna et de ses disciples, chef incontesté du monde dit « ultra-orthodoxe » et de ses yechivot (centres d’enseignement de la Tradition : Torah, Talmud, codes, midrachim, etc.), très rigoureux en matière de halakha, considéré comme un prince de la Torah… a toujours eu une attitude différente de celle des autres membres d’Agoudat Yisrael vis-à-vis des juifs séfarades.

Alors que la plupart des autres yechivot n’acceptaient qu’avec difficulté d’admettre en leur sein des élèves originaires du bassin méditerranéen (principalement du Maroc), le rav Schach, lui, les accueillait volontiers dans sa très réputée yechiva de Bnéi Brak, dès le début des années 70 : pour les sortir d’un environnement dangereux (les juifs séfarades et orientaux arrivant en Israël après l’indépendance avaient été reçus avec une certaine suspicion par les autorités et envoyés dans des villes nouvelles - où régnaient pauvreté, chômage et délinquance - situées assez loin des grands centres urbains), pour les arracher au sionisme séculariste de l’école publique et les ramener (ou les maintenir) dans la voie de la Torah.

mais parrainer un petit parti séfarade qui s’était fait connaître localement en 1983, en gagnant 3 sièges aux élections municipales de Jérusalem… et chercher à lui donner une audience nationale ? Qu’est-ce qui a pu pousser le rav Schach à prendre cette voie, sinon la conviction que c’était un bon moyen d’ajouter à « la gloire de la Torah », c’est-à-dire de redonner du lustre au judaïsme séfarade…

Prêter des calculs politiciens au rav Schach est prendre la conséquence pour la cause, est ne pas comprendre comment fonctionne le monde de l’observance juive : un homme comme lui se préoccupe d’abord non pas de faire ou défaire des gouvernements mais d’accroître le nombre (et la compétence halakhique) des Talmidéi Khakhamim (disciples des Sages)… C’est cela qui explique son intervention dans le champ politique, qui donne accès aux dotations budgétaires et permet de peser sur l’élaboration des lois « civiles » - et donc de maintenir vivant l'ethos juif dans un Etat qui s’est d’abord construit en s’y opposant, comme chacun le sait…

… Sans le rav Ovadia Yossef, ancien Rishon Le Tsion (titre porté par les grands rabbins séfarades de la Palestine sous mandat ottoman et remis en vigueur par l’Etat d’Israël après 1948) et Aryeh Derhi, ancien élève de la yechiva Hebron de Jérusalem, le rav Schach n’aurait peut-être pas estimé possible ou justifiée son ambitieuse opération…

Prix : 18 £ (environ 24 €).


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