dimanche 5 octobre 2008

Enfer (économique) pavé de bonnes intentions (socio-politiques)…


Dans l’après-coup de la Crise de 1929, le président F. D. Roosevelt crée, en 1938, la Federal National Mortgage Association, vite baptisée FaNnie MAe, pour apporter une garantie fédérale aux prêts immobiliers accordés par les banques, et permettre à l’« américain moyen » d’accéder à la propriété.

Fannie Mae, soutenue par le gouvernement, société semi-publique (elle a des actionnaires) autorisée à accorder et à garantir des prêts, procure des liquidités aux agences publiques en charge de l’immobilier, banques commerciales, courtiers, caisses d’épargne, etc., en rachetant les hypothèques que ces établissement ont prises sur les logements financés, leur permettant ainsi d’accorder de nouveaux prêts.

Ces hypothèques, Fannie Mae les rassemble et les revend par paquets – produits sûrs appuyés sur du « tangible » et garantis par l’Etat – aux banques d’investissement, assureurs et autres établissements financiers, qui les revendent à leur tour, ré-empaquetées, aux investisseurs.

Aux Etats-Unis, les dispositions du Glass-Steagall Act de 1933 qui, voulant lutter contre la spéculation réputée responsable du krach de Wall Street, interdisaient aux banques d’accepter simultanément des dépôts et de vendre des produits financiers (ce qui a amené la séparation entre banques commerciales et banques d’investissement), ont été annulées pour l’essentiel en 1999, par le Gramm-Leach-Bliley Act.

En 1970, le président Nixon crée la Federal Home Loan Mortgage Corporation, baptisée, elle, Freddie MaC, à la structure et au mode de fonctionnement analogues à ceux de Fannie Mae, pour étendre le marché hypothécaire et permettre à un plus grand nombre encore d’« américains moyens » d’accéder à la propriété.

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Le 21 décembre 1965, l’Assemblée générale des Nations-Unies adopte la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) qui mentionne, au nombre des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels devant être garantis sans distinction de race, le droit au logement (article V, paragraphe e, alinéa iii). Cette convention devient Traité avec son entrée en vigueur, le 4 janvier 1969.

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Aux Etats-Unis, l’administration Johnson soutient le Traité mais c’est sous le premier mandat du président Clinton qu’il est ratifié, le 20 novembre 1994.

En 1999, Franklin D. Raines, vice-président de Fannie Mae de 1991 à 1996, puis directeur du U.S. Office of Management and Budget auprès du président Clinton jusqu’en 1998, est nommé président de Fannie Mae. Il le restera jusqu’à sa retraite anticipée en 2004 – pour cause de prise illicite de bénéfice et fausse présentation de comptes, entre autres…

Dès sa nomination, F. D. Raines lance un programme-pilote dans le cadre duquel des prêts sont accordés par les banques à des personnes aux revenus modestes, et les conditions auxquelles Fanny Mae rachète ces prêts, assouplies. Freddie Mac ne tarde pas à faire de même.

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Le 29 septembre 1999, Steven A. Holmes signe un article dans le New York Times intitulé « Fannie Mae Eases Credit To Aid Mortgage Lending ».

Extraits :

« Fanny Mae… assouplit les règles concernant les conditions de crédit auxquelles sont accordés les prêts qu’elle rachète aux banques et autres prêteurs, ce qui pourrait aider à l’accession à la propriété des minorités et des personnes à faible revenu.

[…] Le programme pilote [implique] 24 banques présentes sur 15 marchés – incluant la région du grand New York… Il s’agit d’encourager ces banques à élargir l’offre d’hypothèque sur un bien immobilier aux personnes dont le crédit n’est généralement pas assez bon pour prétendre aux prêts classiques. Les responsables de Fannie Mae […] espèrent étendre ce programme à la totalité du pays au printemps prochain.

Fannie Mae, le plus gros acteur du marché des hypothèques du pays, a été soumise à une pression grandissante de l’Administration Clinton (!) pour qu’elle facilite l’octroi de prêts hypothécaires aux personnes à revenu faible et moyen, et à celle de ses actionnaires, désireux de la voir maintenir la croissance phénoménale de ses profits.

En outre, les banques, caisses d’épargne et institutions spécialisées dans les hypothèques ont fait pression sur Fannie Mae pour qu’elle les aide à accorder plus de prêts aux dits emprunteurs « sous-prime ». Ces emprunteurs, dont le revenu, la note de crédit et les économies ne sont pas assez bons pour prétendre aux prêts classiques, ne peuvent emprunter de l’argent qu’auprès d’institutions financières qui demandent des intérêts plus élevés – de 3 à 4% – que ceux de ces prêts-là.

‘‘ Fannie Mae a permis l’accession à la propriété de millions de familles dans les années 1990, en réduisant le montant de l’apport initial (!) ’’, a déclaré F. D. Raines… ‘‘ Mais il y a encore trop d’emprunteurs dont le crédit est juste en-deçà de ce que les règles comptables exigeaient jusque-là, et qui ont été contraints de payer des intérêts significativement plus élevés sur ce qu’on appelle le ‘marché des sous-primes’ .’’

[L’information sur ces emprunteurs-là est maigre mais, selon une étude… 18% des prêts du marché des « sous-primes » auraient été accordés à des emprunteurs noirs, contre 5% sur le marché des prêts classiques.]

En se lançant, même prudemment, dans ce nouveau type de prêts, Fannie Mae augmente significativement ses risques, ce qui ne devrait poser aucun problème en période croissance économique. Mais l’entreprise subventionnée par le gouvernement pourrait se retrouver dans une situation difficile en cas de retournement de tendance, ce qui forcerait le gouvernement à intervenir comme il l’a fait dans les années 1980, quand il est venu au secours des Caisses d’épargne qui avaient fait faillite.

‘‘ Plusieurs personnes, j’en fais partie, estiment que c’est l’histoire des Caisses d’épargne qui se répète ’’, déclare Peter Wallison, de l’American Entreprise Insitute. ‘‘ Si [Fannie Mae et Freddie Mac] échouent, le gouvernement devra intervenir et les racheter entièrement, comme il a racheté [la totalité] des Caisses d’épargne] ’’… »

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Dans le même article, Steven Holmes note encore ceci :

« En fait, le nombre des accédants « minoritaires » à la propriété a explosé pendant le boum économique des années 1990. Le nombre de prêts hypothécaires accordés aux demandeurs Hispaniques a augmenté de 87% de 1993 à 1998 (!) selon le Harvard University’s Joint Center for Housing Studies. Pendant la même période, le nombre de prêts hypothécaires… accordés aux [demandeurs] Afro-Américains a augmenté de 71,9%, celui de ceux accordés aux [demandeurs] Asiatico-Américains, de 46,3%.

A comparer avec l’accroissement du nombre de ces prêts accordés aux blancs non-Hispaniques, 31,2%. »

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Sources :

THE TANK, National Review, 30 septembre 2008Chuck Muth, The Economic Crisis, irreverentview.com, 29 septembre 2008.

Gregory S. McNeal, « 9 years ago today the NY Times predicted Fannie and Freddie », gsmcneal.com, 30 septembre 2008.

Steven A. Holmes, “Fannie Mae Eases Credit To Aid Mortgage Lending”, New York Times, 30 septembre 1999.

en.wikipedia.org/wiki/Franklin_Raines

en.wikipedia.org/wiki/Fannie_Mae

en.wikipedia.org/wiki/Freddie_Mac


Illustrations :

Ballerina, copyright Alain Zimeray.

Travail, copyright Patrick Jelin.

Promesse, copyright RZ.

Sans titre, copyright François Bensimon.

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