lundi 22 février 2010

Heurs et malheurs de l'entrepreneur...


D'après Avi Issacharoff, écrivant le 17 février 2010 dans Ha'aretz[1], les propriétaires des tunnels servant à la contrebande entre la bande de Gaza et l'Egypte [voir, entre autres, dans cet espace, Fausses notes, mis en ligne le 27 janvier 2009] souffrent depuis peu de problèmes financiers.

La raison : le trop grand succès commercial de ces tunnels, qui a suscité envies et vocations. Le Hamas a ainsi récemment ouvert ses propres tunnels de contrebande, des tunnels réputés « légaux » pour faire transiter armes, biens d'équipement et de consommation afin d'alimenter, lui aussi, le marché local. Devant faire face à une concurrence nouvelle et inattendue, les tunnels non-Hamas, voient leur activité se ralentir et, conséquemment, leurs revenus diminuer.

La mise en fonction de ces tunnels « légaux », en augmentant sensiblement le volume des produits alimentaires et des appareils ménagers, par exemple, a entraîné une relative saturation du marché. Conséquence : les flots de marchandises passant par les tunnels non-Hamas étant au plus bas, les projets de nouveaux tunnels privés sont tous abandonnés et les chantiers en cours, stoppés.

Les propriétaires de tunnels privés expliquent que l'afflux de marchandises à Gaza a, en outre, entraîné une brusque baisse des prix, amenuisant sérieusement les recettes provenant de la contrebande non « légale ». L'un des propriétaires de ces tunnels privés a ainsi confié à une agence de presse 'palestinienne' qu'il attend maintenant qu'une autre offre d'affaires intéressante se présente pour se reconvertir, user de son tunnel pour faire de la contrebande n'étant plus « profitable » à l'heure actuelle.

En 2008, l'activité de contrebande passant par les tunnels entre Gaza et l'Egypte était en plein essor, en raison du blocus imposé par Israël. Elle s'est maintenue à un niveau élevé en 2009, malgré une surveillance égyptienne accrue qui a donné lieu à des interventions qui ont souvent mis en danger terrassiers et contrebandiers plus-de 100 'Palestiniens' ont perdu la vie depuis 2007, victimes de l'effondrement, provoqué ou spontané, de plusieurs tunnels parmi les centaines creusés depuis que le Hamas a pris le contrôle de Gaza, en juin 2007.

Il est à remarquer que la construction de tunnels privés, qui a notamment permis d'importer essence et ciment, a eu un effet bénéfique sur l'économie locale : de nombreuses usines se sont montées qui fournissent des produits finis au BTP...

Les tunnels administrés par le Hamas, les dits tunnels « légaux », tournent aujourd'hui à plein régime. Mauvaise nouvelle pour ceux de ces entrepreneurs locaux, qui avaient su les premiers saisir une opportunité : « Les deux dernières semaines ont été les plus mauvaises pour les tunnels privés depuis le blocus en juin de 2007 », commente le propriétaire cité plus haut.

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Pendant ce temps-là, d'après Benjamin Weinthal écrivant dans le Jerusalem Post[2], le politologue américain Norman G. Finkelstein, fils de survivants du ghetto de Varsovie et de camps de concentration, connu pour son anti-sionisme militant et ses sympathies islamistes, auteur notamment de THE HOLOCAUST INDUSTRY: REFLECTIONS ON THE EXPLOITATION OF JEWISH SUFFERING et de Tuer l'espoir, avait beaucoup de mal à trouver un endroit en Allemagne où faire sa conférence intitulée : « One year after the invasion of the Israeli army in Gaza and the responsibility of the German government in the starvation of the Palestinian population »...

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Notes :

[1] Avi Issacharoff, « 'Illegal' Gaza tunnel owners suffer as Hamas economy grows », Haaretz, 17 février 2010, http://www.haaretz.com/hasen/spages/1150440.html

[2] Benjamin Weinthal, « Pandering to subtle German anti-Semitism », Jerusalem Post, 21 février 2010, http://www.jpost.com/JewishWorld/JewishNews/Article.aspx?id=169271

Illustrations :

Catwoman (Bruxelles, 2009) © copyright RZ

Pelleteuse (Cannes, 2010) © copyright RZ

Heurs et malheurs de l'entrepreneur... © Copyright 2010 Richard Zrehen

dimanche 14 février 2010

Promotion d’hiver 2010 (1)


Une naissance à saluer, avec la parution de 2 élégants petits volumes, en ce début d’année : celle de « A présent » chez Encre marine, nouvelle collection consacrée au genre théorique, dirigée par un ami philosophe, François-David Sebbah, chez un éditeur au catalogue raffiné, Jacques Neyme. Une nouvelle collection (soutenue par la plate-forme « Philosophie et technique » de l’EA Costech de l’Université de Compiègne), gaie et nietzschéenne, pour célébrer le nouveau et baliser les paradigmes en formation.

« A présent », qui veut :

Eprouver ce qui nous arrive. L’accueillir, l’affronter, y résister.

Interroger ce qui se profile, ce qui s’invente, innove ou fait retour.

Dire oui au théorique qui s’esquisse.

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1) Prométhée généticien par Claude Calame, A Présent/Encre marine, Les Belles Lettres, 2010. Tout n'étant pas déterminé par le génétique, l'épigénétique, donc le hasard, joue un rôle important dans la constitution des êtres.



4e de couverture :

Prométhée inventeur du génie génétique ? Prométhée héros fondateur des biotechnologies ? Prométhée champion des manipulations du génome humain ?

Dans la tragédie d'Eschyle, Prométhée se vante d'avoir transmis aux hommes des techniques civilisatrices. Systèmes de signes à déchiffrer, ces tékhnai requièrent une habileté interprétative. Dès lors, pas de surprise à voir la biologie moléculaire contemporaine penser les processus de la génétique humaine en termes de code à déchiffrer, de texte à lire, de bibliothèque à consulter. Mais, malgré la prise en compte des facteurs épigénétiques et de l'environnement extérieur, ces métaphores sont utilisées dans un sens déterministe.

La perspective décentrée de l'anthropologue helléniste, doublée du regard critique du linguiste, ne permettrait-elle pas d’aller plus loin ? De même que les arts pratiques offerts aux mortels par Prométhée, les métaphores du code et du déchiffrement renvoient en fait à des procédures d'ordre interprétatif, en prise sur les ambiguïtés propres aux processus de signification.

Au paradigme du déterminisme scientiste on préférera donc l'idée d'un multidéterminisme conjectural. Relevant d'une herméneutique, ce paradigme respecterait la part de hasard propre à tout processus de fabrication de l'homme.

Pratiques de culture, les sciences du vivant sont, de fait, des sciences humaines.

Prix : 15,00 €.

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2) Qu’est-ce que la « technoscience » ? une thèse épistémologique ou la fille du diable ? par François-David Sebbah, A Présent/Encre marine, Les Belles Lettres, 2010. Une réflexion sur les enjeux des rapports science et technique.

4e de couverture :

Le terme « technoscience », abondant dans les discours militants et journalistiques, absent des discours internes aux pratiques scientifiques, parfois utilisé par des philosophes ou des sociologues, est récent.

Le substantif apparaît au milieu des années soixante-dix. Il est souvent chargé d'affects et d'une axiologie implicite : il constitue souvent une arme de lutte (nommer les phénomènes techniques et/ou scientifiques de ce nom c’est déjà, dans bien des contextes, les « dénoncer »), mais est-il aussi le lieu d’une élaboration conceptuelle précise et consistante pour accueillir ce qui nous arrive et qu’on désigne ainsi ? Et ce qui nous arrive sous ce nom est-ce, localement, une reconfiguration de la représentation des rapports entre sciences et techniques, ou bien aussi, plus largement, une manière nouvelle d’expérimenter quelques énigmes fondamentales (comme celle de l’Invention, ou bien encore celle de la Puissance) ?

On veut manifester dans ce livre l’ambiguïté fondamentale d’une « figure » aux facettes multiples – la technoscience –, qui traverse les registres de l’épistémologique, de l’économique et du politique, pour assumer des inflexions proprement métaphysiques et même eschatologiques.

Prix : 15,00 €

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Promotion d’hiver 2010 (1) © Copyright Richard Zrehen, 2010.