mercredi 30 avril 2008

Déchirant




30 avril 2008 : Carter Dougherty et Katrin Bennhold signent, en première page du Herald Tribune, un article consacré aux difficultés rencontrées, en Europe, par les classes moyennes confrontées à l’inflation…

Extraits :

« LES ULIS [20 km au Sud de Paris, ville neuve à la « Le Corbusier », où piétons et voitures ne circulent pas au même niveau], France.

Quand, l’année dernière, la boulangerie du coin a augmenté le prix de la baguette pour la troisième fois en 6 mois, Anne-Laure R. et Guy T. ont investi dans un four à pain [!]. Quand, en janvier, le poste « essence » est devenu le plus important de leur budget, ils ont décidé de vendre l’une de leurs 2 voitures [!!].

Maintenant que chaque chose, du lait pour bébé aux desserts au chocolat, pousse leurs dépenses de vie quotidienne à la hausse, ils envisagent de procéder au plus radical des changements de leur style de vie – jusqu’ici : Anne-Laure R., enseignante, et Guy T, postier, vont se marier pour diminuer le montant de leurs impôts [!!!].

"Je n’aurais jamais pensé me retrouver dans cette situation, à compter chaque centime", [nous] disait Anne-Laure R. un soir récent, pendant que son compagnon, dans la cuisine, dosait le lait en poudre pour Vincent, leur bébé de 13 mois. "Enfin, je suis enseignante. Si je ne m’en sors pas, comment font les autres ?

Ils ne sont pas pauvres mais... »


*



Le jeune prince n’ira pas dans une école privée comme il est de tradition dans la famille régnante, a décidé sa mère, mais dans un collège public.
Quelque temps après la rentrée, le jeune prince revient du collège la mine déconfite :
- Vous allez être fâchée, mère, j’ai eu une mauvaise note en rédaction.
- Mais non. Tous les apprentissages sont difficiles. Quel était donc le sujet ?
- « Décrire une famille pauvre ». Heu ! Voici ma copie. J’ai eu un… D.
- Je peux lire ?
- …
« C’était une famille pauvre. Le père était pauvre, la mère était pauvre, le fils était pauvre, le majordome était pauvre, le maître d’hôtel… le cuisinier… le chauffeur… »

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Sources :
Carter Dougherty and Katrin Bennhold, « In Europe, families reach tipping point. Fears about future as costs eat wages », International Herald Tribune, 30 avril 2008.
Alain Rothstein, dans son atelier, au début des années 1980.

Illustrations
Humain, copyright Patrick Jelin.
Hercule Poirot, copyright Alain Rothstein.

lundi 28 avril 2008

Infortunes de la vertu…




Un ancien champion automobile, devenu sénateur, qui boit, court les femmes, abandonne la politique et se retire dans une communauté religieuse ; un ministre de la Modernisation, en charge des relations avec le FMI et la Banque Mondiale, renonçant publiquement à son salaire le jour de son entrée en fonction, forcé de démissionner, la presse ayant révélé que son entreprise d’import-export de pièces détachées automobiles avait obtenu un contrat pour la fourniture de lait en poudre [!] au ministère de l’Education ; un vice-ministre du Budget abandonnant sa fonction, convaincu d’avoir « amélioré » son CV ; un président, marié et père de 6 enfants, accusé d’utiliser les ressources de l’appareil d’Etat pour avancer la carrière de sa protégée…

Nous sommes au Paraguay, petit pays – bordé à l’est par le Brésil, au sud, par l’Argentine, au nord-ouest par la Bolivie – où une élection présidentielle vient d’avoir lieu, qui a vu la victoire d’un candidat d’opposition.

Tout cela serait banal en Amérique latine, encore plus dans un pays où la corruption règne notoirement depuis le retour de la démocratie en février 1989, au lendemain de la déposition d’Alfredo Stroessner, « président » depuis 1954, à ceci près : les politiciens concernés sont ou Mennonites ou proches d’eux.

Les Mennonites, anabaptistes (proches des Amish) issus de la Réforme suisse et hollandaise, sont ainsi nommés par référence à Menno Simons (1496-1561), ancien prêtre catholique ayant rompu avec l’Eglise ; considérés comme des protestants radicaux, ils ont pour guide les Evangiles et pour modèle l’Eglise primitive : frugalité, vie communautaire, pacifisme, respect de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, hospitalité mais grande méfiance à l’égard du monde – de ses voies mais aussi du progrès technique qu’ils n’accueillent qu’avec réticence.

On trouve des Mennonites – ils seraient 1 500 000 en tout – en Bolivie, au Canada, au Congo-Kinshasa, en Inde, aux USA, et au Paraguay, où ils ont été appelés dès les années 1920 par le président Manuel Gondra pour coloniser le Chaco, immense territoire hostile sur lequel la Bolivie avait des vues…

Comment des gens d’une foi si austère ont-ils pu se laisser embarquer dans une aventure politique et succomber à la moins sophistiquée des tentations ? L’orgueil ? La certitude sans faille des « Elus » ?


*

Retour aux années 20 : les autorités paraguayennes, désireuses de renforcer leur présence dans une région quasiment inhabitée mais convoitée par le voisin bolivien, persuadé que le sous-sol regorge de pétrole, ont l’idée de convier certains de ces réprouvés – les Mennonites ont souvent été persécutés par le passé –, durs au travail et obstinés, à s’installer sur un territoire vastissime (60% du pays), où l’eau est rare et la terre, ingrate, rapporte Graeme Wood, dans le Weekly Standard (21 avril 2008).

Les Mennonites acceptent, implantent des fermes et, en dépit des difficultés, parviennent à développer un début d’agriculture permettant à peine leur survie mais qui va se révéler précieuse pour le Paraguay, lors de la guerre du Chaco (1932-1935) : les soldats boliviens, très loin de leurs bases, mourront littéralement de faim et de soif sous un soleil de plomb, les soldats paraguayens, régulièrement ravitaillés à partir des exploitations mennonites relativement proches, finiront par prévaloir.

En quelques décennies, la situation va spectaculairement changer : l’introduction de l’herbe à bison par exemple, qui absorbe l’eau et la retient, va permettre aux Mennonites d’améliorer le rendement et de s’ouvrir à l’élevage. En 1964, est enfin achevée la route menant de Filadelfia, la plus importante des villes mennonites du Chaco, à Asunción, la capitale. Au tournant des années 1980, les Mennonites sont, et de loin, les plus gros producteurs de viande et de produits laitiers du pays.

Devenus aisés, voire riches, les Mennonites abandonnent leur isolationnisme délibéré et envoient leurs fils [!] à la capitale pour en faire les médecins et avocats [!!] du Chaco. Ecoles et églises mennonites s’ouvrent à Asunción pour les accueillir. Et quand l’épouse de l’ancien président éprouve le besoin de se faire hospitaliser au début des années 1990, le choix de l’hôpital de Filadelfia semble s’imposer. – Il se dit que le service psychiatrique de cet hôpital est le meilleur du pays : le fait d’être issus de mariages endogames aurait donné à ses praticiens une expérience incomparable en matière de troubles psychiques…

Peu de temps après sa sortie de l’hôpital, convaincue que ses problèmes relèvent plus de l’âme que du corps, Mme Maria-Gloria Duarte Frutos se fait baptiser, se convertit au mennonisme et commence à entraîner son journaliste, avocat et futur président de mari à Raices (Racines), la plus grande des églises mennonites d’Asunción : où officie le pasteur Horst Bergen, petit-fils d’immigrés, où le service est conduit en espagnol et pas en allemand, où il y a plus de catholiques convertis que de descendants directs de mennonites germanophones, où la congrégation est plutôt « progressiste » (pas de vêtement traditionnel, par exemple) mais où, comme dans toutes les églises mennonites, l’on prêche la paix, les valeurs familiales et la vie vertueuse.

Au lendemain de l’élection présidentielle de 2003, on verra de nouveaux « fidèles » fréquenter l’église et tâcher de se rapprocher de la travée du président – qui est catholique, comme l’écrasante majorité des habitants du pays ; certains de ces nouveaux venus iront jusqu’à se faire baptiser… Le pasteur Bergen se souvient de « fidèles » essayant de donner leur CV au couple présidentiel en cours de service.

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Tout le monde s’accorde à dire que c’est la conversion de Mme Duarte Frutos qui a précipité les Mennonites du pays dans la politique.

Certains, minoritaires, se méfiaient, estimant qu’entrer en politique n’était pas dans la tradition… et pourrait amener la chute des memmonites. Mais le sentiment majoritaire était, selon l’historien memmonite Gérard Ratzliff : « … Si nous ne participons pas à l‘administration du Chaco, d’autres le feront. Et ce sera pire. »

C’est ainsi qu’Orlando Penner, surnommé le Michael Schumacher memmonite, ancien gouverneur de la province de Boquerón entre au Senat dans les années 1990.

En 2003, M. Duarte Frutos est élu à la présidence de la République. Il n’était pas le candidat idéal pour les Mennonites, écrit Graeme Wood, n’étant pas réputé pour sa probité, tant dans sa vie publique que dans sa vie privée ; mais il était considéré comme un moindre mal dans un pays émergeant à peine de 35 ans de dictature. Surtout, les Mennonites pensaient rendre la politique plus propre… et, outre leurs compétences, leur réputation d’intégrité les désignait d’office pour occuper des fonctions élevées : Carlos Wiens, médecin, à la Santé publique ; Carlos Walde, très riche industriel, à la Modernisation ; Ferdinand Bergen (le frère du pasteur, marié à la meilleure amie de Mme Duarte Frutos), lui aussi très riche industriel, à l’Industrie et au Commerce.

Parallèlement, dit Horst Bergen, l’église [Raices] commençait à regarder autour d’elle, parce qu’elle voyait en ce développement, une « opportunité » évangélique. Les Mennonites pouvaient, autant que d’autres [missionnaires] gagner des âmes au Christ : « [Notre] principe a toujours été : nous vivons dans le monde mais nous tâchons de maintenir nos distances… Maintenant, les groupes plus modernes estiment devoir agir dans le monde »…


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Après 5 ans, le bilan est édifiant.

Les ministres, et autres « officiels » mennonites ont, pour la plupart, démissionné pour divers manquements, non sans jeter le discrédit sur leur communauté, et se sont retirés de la politique.

M. Duarte Frutos ne semble plus être le bienvenu à Raices, et les représentants de l’église… sont plus qu’embarrassés d’avoir un membre de la congrégation accusé d’abus de pouvoir flagrant.

Des « indigénistes » font valoir« au nom » des Indiens, avec plus de force qu’il y a quelques années, des revendications sur un Chaco qu’ils avaient ignoré du temps qu’il était désertique, et auquel ils trouvent beaucoup d’attraits maintenant qu’il a spectaculairement été mis en valeur.

Plus intéressant, et inattendu dans un pays longtemps gouverné par les Jésuites et où l’on parle officiellement l’espagnol et le guarani, on entend désormais des propos étrangement familiers : « Un homme politique m’a dit, rapporte encore Graeme Wood, que les Mennonites étaient devenus l’objet de théories complotistes de type antisémite : ‘‘Voici une autre petite secte qui se manifeste et va dominer le pays, tout comme les Juifs ont dominé le monde’’. »


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Rappel : Mme Blanca Margarita Ovelar de Duarte, ancien ministre de l’Education [!], candidate du Partido Colorado [au pouvoir depuis 61 ans] et protégée du président sortant, a été battue par M. Fernando Armindo Lugo Méndez, évêque catholique (dit « rouge » ou « des pauvres ») associé à l’Internationale Socialiste, nouveau président du Paraguay depuis le 20 avril 2008.


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Sources :

Graeme Wood, « Mennonites and Mammonites... in Paraguay », The Weekly Standard, Volume 013, Issue 30, 21 avril 2008.
« Changement de garde au Paraguay », Le devoir, 21 avril 2008.
Bernard Cassen, « La saga des mennonites », Le Monde diplomatique, août 2001.
Encyclopédie catholique.

Illustrations :

Carnaval, copyright Alain Rothstein.

Ange à la lyre, copyright Alain Rothstein.

samedi 26 avril 2008

Promotion de printemps (4)


Voici deux autres livres qui me paraissent mériter l’attention — j’en suis l’éditeur…


1)
Faire parler le destin, par Laurence Kahn, Méridiens-Klincksieck, 2005. Ou : comment Freud abandonne la voie interprétative au lendemain de la Grande Guerre, essaie de comprendre la pulsion de mort et de lui faire une « place », effectuant ainsi un décisif changement de paradigme - « à chaud ».



4e de couverture :

Entre L'Interprétation du rêve (1899) et L'Homme Moïse et la religion monothéiste (1939), le monde a basculé.
Après la ruine culturelle de la Grande Guerre, à quelle représentation du destin confier le projet d'émancipation de l'humanité ? Comment, face à la faillite des idéaux, concevoir les forces psychiques qui assujettissent les hommes ? La « faute tragique » telle que Freud l'avait héritée des Grecs permet-elle encore d'appréhender le désir meurtrier inconscient, son refoulement et la culpabilité civilisatrice ?
A partir de 1920, Freud remanie en profondeur son appareil théorique pour saisir les sources de la sauvagerie psychique, introduisant la pulsion de mort pour élucider l'aspiration à la destruction, ne renonçant jamais aux exigences de la raison lorsque « faire parler le destin » cherche à nommer les puissances qui dominent et tiennent captive l'humanité.
De l'inconnaissable des romantiques au mythe du meurtre originaire, de la controverse avec les détracteurs de l'inconscient à la réflexion sur l'assise scientifique de la psychanalyse, Freud ne cesse de soumettre à évaluation critique les « préjugés enthousiastes » du Siècle des Lumières, parcourant le chemin d'une désillusion dont nous sommes les héritiers directs.
Freud, continuateur de Kant et de Goethe, et interlocuteur de Thomas Mann — qui a partagé sa terrible lucidité face au désastre qui s'avançait.
Comment apprécier aujourd'hui l'effet de ce désastre sur le devenir de la psychanalyse ? Est-il seulement exact de parler de « crise » lorsque l'effondrement de la scène tragique a ébranlé l'architecture même de la pensée qui permettait de concevoir la symbolisation des destinées ?
En quelle « langue » le destin peut-il encore se dire ?


Prix : 17 €


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2) Levinas vivant, par Jean-Michel Salanskis, L’Arbre de Judée / Belles Lettres, 2006.







4e de couverture :

Ce livre rassemble les textes qui ont servi d’appui à sept conférences données au cours du premier semestre 2006 dans des colloques d’hommage à Emmanuel Levinas, à l’occasion du centenaire de sa naissance. Ensemble, ils composent un livre qui plaide pour une appropriation audacieuse, fidèle et novatrice, prosaïque et radicale de la pensée de Levinas.
En substance, on veut la lire et la recevoir comme quelque chose qui continue de nous surprendre et nous déplacer, en nous faisant tout comprendre à partir de l’émotion éthique. Et qui par là même nous libère des mauvaises formes du rationalisme : celles qui donnent lieu à un théoriser aveugle et clos, aussi bien que celles qui amènent un discours oraculaire intégrant et confondant les niveaux.
L’ensemble est organisé en trois sections.
Dans la première (Le noyau éthique), on expose les « fondamentaux » de cette pensée – la vision de la morale, la critique de l’ontologie, la relation avec le Judaïsme – en essayant de la présenter de manière à la fois plus pédagogique qu’on ne le fait d’habitude, et moins conventionnelle.
Dans la seconde (Rationalité lévinassienne), on tente de caractériser la philosophie de Levinas par un certain usage des grandes ressources de toute pensée que sont d’une part la spatialité, d’autre part le couple logique de l’universel et du particulier. On prend donc le parti de ne pas envisager le geste philosophique de Levinas comme radicalement étranger à la posture strictement intellectuelle, conceptuelle, épistémique, ainsi que beaucoup sont tentés de le faire.
Dans la troisième section (L’ancien siècle et son futur), on essaie de voir le vingtième siècle comme cet auteur qui l’a pour ainsi dire traversé d’un bout à l’autre nous le montre, et de tirer de cette vision une annonce, voire une promesse du futur.
Ce livre est en même temps un voyage et un pèlerinage, d’une ville à l’autre : les textes se rattachent chacun à un des lieux, à une des haltes de Levinas. Paris, Strasbourg et Fribourg, Jérusalem, Paris à nouveau, Kaunas et pour finir Paris encore sont ainsi les étapes de ce « Semestre avec Levinas ».


Prix : 25 €

dimanche 20 avril 2008

Clairvoyance…





M. Alon Ben-Meir, diplômé en journalisme de l’université de Tel-Aviv, titulaire d’une maîtrise de philosophie d’Oxford et d’un doctorat en Relations Internationales obtenu dans la même université, est professeur de Relations Internationales et d’Etudes du Moyen-Orient au Center for Global Affairs à New York University depuis 1989.
M. Alon Ben-Meir se présente ainsi sur son site :
« Sa connaissance exceptionnelle et profonde du Moyen-Orient, résultat de plus de 20 ans d’implication directe… permet au Dr Ben-Meir d’avoir une perspective unique sur la nature du terrorisme international, la résolution des conflits et les négociations internationales.
Les voyages fréquents de M. Alon Ben-Meir, qui parle couramment hébreu et arabe, au Moyen-Orient, ainsi que des rencontres régulières avec des hauts responsables et des universitaires [!] de plusieurs pays de la région, Egypte, Israël, Jordanie, territoires Palestiniens, la Syrie et Turquie, lui permettent d’évaluer les développements nouveaux avec profondeur et de façon exceptionnellement nuancée… »

Interrogé par The Peninsula, le journal anglophone « le plus lu du Qatar », à l’en croire, à l’occasion du 8e Forum de Doha sur la Démocratie, le Développement et le Libre-échange auquel il participait, M. Alon Ben-Meir a déclaré : « Les média arabes sont fortement anti-Israël et anti-Amérique, et ont entravé ou réprimé la libre discussion ou l’expression d’opinions divergentes, non soutenues par les gouvernements [!!]. Les intellectuels influents de la société arabe sont souvent co-optés par leurs gouvernements respectifs [!!!].
Les Etats arabes ne sont pas en peine de médias, imprimés ou électroniques, mais il s’agit de médias officiels ou semi-officiels. Bien qu’il y ait eu, récemment, une augmentation du nombre de médias indépendants [!!!!], l’habituelle réaction des gouvernements face aux reportages défavorables continue de restreindre la libre expression des opinions et les débats ouverts, dit-il.
« Sans liberté d’expression, il n’y a pas de démocratie ».
M. Ben-Meir… dit aussi que les négociations entre Israël et l’Autorité Palestinienne sont à un tournant : « Maintenant plus que jamais, il est essentiel de redonner vie à l’Initiative Arabe* et de la mettre au premier plan du processus de paix dans la région ».
« Les efforts concertés d’Israël et de l’Autorité Palestinienne ne mèneront nulle part, et le conflit sanglant avec le Hamas continuera, en l’absence d’un engagement collectif des Arabes dans le processus de paix. Tous les plans précédents, la ‘Road Map’ et les accords d’Oslo [1 et 2] y compris, ont échoué parce qu’ils n’avaient pas l’envergure de l’Initiative Arabe et excluaient la Syrie du processus de paix. »
« Israël doit abandonner ses réserves à l’égard de l’Initiative Arabe, la soutenir publiquement et échanger les territoires qu’il a conquis en 1967 pour faire cesser la violence. Il lui faudrait aussi trouver une solution humaine au problème des réfugiés palestiniens, et rechercher une solution acceptable [par toutes les parties] pour… Jérusalem…
Pour espérer parvenir à quelque accord que soit avec les Pays Arabes, il faut inclure la Syrie dans les discussions, et prendre au sérieux ses revendications territoriales sur le Golan.
Tout cela ne veut pas dire qu’Israël doit renoncer à ses exigences minimales : défense de la sécurité de l’Etat et de l’intégrité [!] du territoire national, maintien de identité nationale, maintien de Jérusalem comme capitale d’Israël… enfin, établissement de relations normales avec l’ensemble du Monde Arabe. »

The Peninsula commente : « La mise en œuvre de ces efforts de la part des uns et des autres produira sans aucun doute une transformation remarquable de toute la région ».

*Propositions avancées en 2002, lors d’un congrès de la Ligue Arabe par le Prince-héritier d’Arabie Saoudite, Abdallah, devenu depuis roi : retrait d’Israël des territoires occupés en 1967, le Golan y compris ; reconnaissance d’un Etat palestinien englobant la rive ouest du Jourdain et la bande de Gaza avec Jérusalem-est pour capitale ; solution juste au problème des réfugiés palestiniens. En échange, les Etats Arabes reconnaîtraient l’Etat d’Israël, tiendraient le conflit arabo-israélien pour terminé et établiraient des relations normales avec Israël.



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Selon un sondage rendu public le 15 avril 2008, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est le leader le plus admiré dans le monde arabe, suivi par le président syrien, Bashar Assad et le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad. Ces trois leaders sont majoritairement considérés comme étant les seuls à résister à l’influence des USA au Moyen-Orient.
Près de 4000 personnes ont été sondées – en Arabie Saoudite, en Egypte, en Jordanie, au Liban, au Maroc, aux Emirats Arabes Réunis – par l’université du Maryland et l’institut Zogby International. La marge d’erreur est de 1,6 %.

Extraits des résultats :



- 83% des sondés ont une vue négative des USA et des gouvernements Arabes soutenus par Washington ;
- 70% des sondés n’ont aucune confiance dans les USA.
- Plus de 80% des sondés estiment que le conflit arabo-israélien est un problème majeur;
- 55% des sondés ne croient pas qu’il y aura jamais une paix durable entre Israéliens et Palestiniens, en dépit des efforts américains pour obtenir un accord avant la fin de l’année 2008.
- Les sondés soutenant le Hamas sont plus nombreux que ceux qui soutiennent le Fatah ;

- Pour ce qui concerne le conflit libanais, 30% des sondés soutiennent les partis et les hommes politiques liés au Hezbollah ; 9% d’entre eux sont en faveur de la coalition gouvernementale soutenue par les USA ;
- Pour ce qui concerne le conflit entre l’Iran et les Pays Arabes modérés, près de 50% des sondés estiment que « [si] l’Iran parvenait à acquérir des armes nucléaires, ce serait plus positif que négatif pour la région… »



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Sources :

- « Arab media biased against Israel: Expert », The Peninsula, 15 avril 2008.
-
alonben-meir.com
- Khaled Abu Toameh, « Poll: Nasrallah most admired leader in Arab world », Jerusalem Post, 16/17 avril 2008.

Illustrations :

1) Vittoriano, copyright Alain Rothstein.
2) Forêt d'hiver, copyright Corinne Kalfon.

Promotion de printemps (3)


Voici encore deux autres beaux livres qui me paraissent mériter l’attention – j’en suis l’éditeur…



1) Levinas à Jérusalem, sous la direction de Joëlle Hansel, Continents Philosophiques / Klincksieck, 2007. Avec un index - notions et noms propres – et un glossaire très détaillé constituant une précieuse introduction aux concepts d'Emmanuel Levinas.






4e de couverture :

Seize universitaires* américains, européens et israéliens, réunis en 2002 à Jérusalem à l’initiative de Joëlle Hansel, Shalom Rosenberg et Richard A. Cohen, interrogent l’ensemble de l’œuvre d’Emmanuel Levinas (1906-1995) : ses écrits philosophiques, études phénomé­nologiques, essais sur le judaïsme, lectures talmudiques, commentaires de textes littéraires ou poétiques, réflexions sur des questions d’actualité, prises de position à l’égard de courants ou d’idéologies contemporains (structuralisme, psychanalyse, marxisme, ethnologie, science des religions…) et textes sur l’art.


Cet ouvrage comprend trois parties : Philosophie et phénoménologie ; Ethique et politique ; Religion et judaïsme. Des questions majeures servent de trait d’union entre ces études : la relation de Levinas à Husserl et Heidegger ; le problème de la subjectivité ; intersubjectivité et altérité ; le Tiers, la justice et l’Etat ; le sionisme et l’Etat d’Israël ; théologie et religion ; l’herméneutique talmudique de Levinas ; sa conception du judaïsme.


*Xavier Tilliette, Institut catholique de Paris et Université pontificale grégorienne de Rome (émérite).Jeffrey Andrew Barash, Université d’Amiens.
Richard A. Cohen, Université de Caroline du Nord (Charlotte, USA), traducteur de Levinas.
Joëlle Hansel, Centre Raïssa et Emmanuel Levinas (Jérusalem).
Enzo Neppi, Université Stendhal, Grenoble III.
Edouard Robberechts, Université de la Méditerranée.
Georges Hansel, Université de Rouen (émérite).
Marie-Anne Lescourret, Université Marc Bloch, Strasbourg.
Françoise Mies, Fonds National de la Recherche Scientifique, Facultés Universitaires N.-D. de la Paix, Namur (Belgique).
Jean-Michel Salanskis, Université de Paris X-Nanterre.
Jean-François Rey, IUFM, Lille..
Paul Elbhar, Université de Bar Ilan, Israël.
Benjamin Gross, Université de Bar Ilan, Israël (émérite).
Salomon Malka, journaliste et écrivain.
Michael B. Smith, Berry College, Mount Berry, traducteur de Levinas.
Shmuel Wygoda, Herzog College of Jewish Studies et Université Hébraïque de Jérusalem.


Prix : 31 €



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2) Textes d'auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, de Théodore Reinach, présentés et complétés par Claude Aziza, L’Arbre de Judée / Belles Lettres, 2007. Important travail d’érudition et argument de poids dans le combat pour faire accepter les Juifs « modernisés » du XIXe siècle comme citoyens à part entière de la République.





4e de couverture :


Théodore Reinach (1860-1928), homme de la Renaissance dans une époque où les nationalismes commencent à fermer les esprits a, comme ses frères, Joseph (1856-1921) et Salomon (1858-1932), cumulé tous les talents. Mathématicien, juriste, philologue, historien, professeur au Collège de France, homme politique, ce brillant fils de banquier juif francfortois – ayant choisi la France pour sa langue, sa culture et sa défense des Droits de l’homme –, était aussi un partisan convaincu de l’Assimilation.
Militant de la cause israélite, il demandait aux Juifs de renoncer à leur particularisme et d’embrasser pleinement la patrie de la Liberté, à son exemple, tout en revendiquant pour les siens l’ensemble des droits que la République accordait à ses citoyens, insistant sur l’apport de son peuple à la Civilisation.
C’est dans ce contexte fortement chargé – La France juive de Drumont est de 1886 – qu’il verse au dossier ces Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, achèvement impressionnant pour un auteur d’à peine trente ans : sont rassemblées, traduites et annotées (presque) toutes les allusions des Anciens aux Juifs, à leurs mœurs et à leur religion.
Le présent ouvrage reproduit l’édition de 1895 qui classe par ordre chronologique d’abord les auteurs grecs, puis les auteurs latins. Claude Aziza ajoute en ouverture un tableau général des relations entre les Juifs et le monde antique, des Macchabées (IIe siècle av. J.-C.) à la fin de l’Empire romain (Ve siècle), en clôture, 26 textes complémentaires tirés de 20 auteurs (dont certains non cités par Reinach) et une bibliographie à jour : le document le plus complet sur les rapports complexes – ignorance, incompréhension, curiosité, rejets haineux – que le monde antique a entretenus avec les Juifs.

Prix : 29 €



- Le 15 avril 2008, Brouillon de Culture (émission littéraire diffusée tous les mardis de 12 h 00 à 12 h 30 sur Radio Judaïca à Bruxelles, animée par Micheline WEINSTOCK et Tamara KAWAM) a consacré, entre autres, une chronique à Théodore Reinach, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme. <
http://www.quelire.com/brouillondeculture/files/BC080415-Micheline.mp3 >





vendredi 18 avril 2008

Lueurs (2)



Mercredi 16 avril, un tribunal yéménite a annulé le mariage de Nojoud Muhammed Nasser et de Faez Ali Thamer [voir, dans cet espace, Lueurs, mis en ligne le 13 avril 2008].

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Vendredi 18 avril, un juge de Ryad a, selon le quotidien al-Watan, autorisé une saoudienne de 23 ans – son nom n’a pas été révélé – à divorcer, bien qu’à son avis elle n’ait aucun grief sérieux à faire valoir. Il l’a qualifiée de « rebelle ».
La jeune femme, mariée à l’âge de 10 ans, peut divorcer de son mari, aujourd’hui âgé de 67 ans, à la condition de rembourser les 100 000 ryals saoudiens (à peu près 16 750 euros) qu’il a versés – il y a 13 ans – à sa famille dans le besoin, pour obtenir sa main…
Le père a déclaré au quotidien saoudien :
« J’ai fait une erreur en forçant ma fille à se marier. Si elle veut se re-marier, elle le fera avec l’homme de son choix ».
Il a ajouté :
« Je demande à ceux qui peuvent le faire d’aider ma fille à trouver l’argent nécessaire au remboursement de la dot. Je ne peux pas l’aider parce que notre famille n’en a pas les moyens ».

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Source :
« Saudi Arabia: Young woman married at 10 years old, must pay to obtain divorce », adnkronos international, 18 avril 2008.

Illustrations :
1) Copyright Alain Bellaïche.
2) « Colombine disparue », copyright Alain Rothstein.

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Ambassade de France à Ryad

Adresse postale :
French Embassy in Riyadh
Diplomatic Quarter
PO BOX 94367 - RIYAD 11693

Adresse via la Valise Diplomatique :
Ambassade de France au Royaume d’Arabie Saoudite
128 bis, rue de l’Université
75351 Paris 07 SP

Téléphone : (00 966 - 1) 488 12 55
Télécopie : (00 966 - 1) 488 28 82

Adresse électronique : diplomatie@ambafrance.org.sa

jeudi 17 avril 2008

Promotion de printemps (2)






Voici un autre beau livre et un coffret qui me paraissent, eux-aussi mériter l’attention – j’en suis l’éditeur…

1) Berkeley, par André Scala, Figures du Savoir n° 40 / Les Belles Lettres, 2007. Monographie consacrée à un évêque curieux du monde et rigoureux, jusqu’à l’excentricité, dans ses considérations.












4e de couverture :

George Berkeley (1685-1753), Irlandais, anglican, évêque, philosophe atypique, est célèbre pour la formule esse est percipi : être c’est être perçu.
Cette formule signifie ceci : ce que nous appelons objet ou chose n’existe qu’en tant qu’il est perçu ; seul ce qui a un esprit ou une intelligence perçoit ; l’esprit ou l’intelligence ne perçoit que des idées ; donc ce que nous appelons chose ou objet est une idée qui n’existe que dans (pour) un esprit ou une intelligence qui le perçoit.
Identifier l’être et le perçu, rien n’est plus singulier dans l’histoire de la philosophie – même dans celle du sens commun : pour être perçu il faut bien être, d’abord.
Berkeley a laissé de nombreux essais, traités, dialogues philosophiques et sermons. Sa philosophie, appelée immatérialisme, est dirigée contre toutes les formes de matérialisme, en particulier celles qui croient en la substance matérielle. Si matière il y a, elle est un système de signes, un langage.
La puissance et la vigueur de sa pensée ont nourri bien des philosophes. Hume s’en est inspiré pour la critique des idées abstraites et Mill pour l’associationnisme. Emerson y a puisé l’articulation entre la philosophie et la pauvreté, la phénoménologie, des intuitions sur la conscience et le monde, Wittgenstein une philosophie du langage et Bergson la nature des idées.
La philosophie de Berkeley peut offrir à notre temps distrait, où le lien entre le perçu et le percevoir est lâche, des instruments de reconquête de l’attention et de la présence de l’esprit au monde.

Prix : 17 €





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2) Coffret Husserl & Heidegger + Présentation et mots-clés par Jean-Michel Salanskis, Figures du Savoir / Les Belles Lettres, 2008.










Extraits de l’Introduction :

Edmund Husserl (1859-1938), et Martin Heidegger (1889-1976) sont les deux pères fondateurs allemands de la Phénoménologie. Ce nom a été choisi par le premier pour désigner une nouvelle manière de philosopher, qui devait supplanter les anciennes manières et établir pour la première fois la philosophie comme « science rigoureuse ». Cette science se présenterait comme la « science des phénomènes » : Husserl voulait ramener toute réflexion philosophique « aux choses mêmes » ; c’est-à-dire, en substance, aux problèmes que nous pouvons nous poser à partir de notre accès authentique à ce sur quoi ils portent, à partir de notre expérience…
Heidegger, à l’origine de son travail au moins, dépeint l’existence humaine, ses comportements et affects typiques, et semble donc proposer, dans la continuité de Husserl, une philosophie quotidienne et concrète à certains égards : … Etre et temps peut être lu comme un roman retraçant les riches heures de l’expérience humaine. Dans la seconde partie de sa vie, l’accent principal de sa philosophie est en revanche une sorte de condamnation mélancolique et dédaigneuse de toute l’histoire de l’Occident, en même temps que de tout le cheminement de la philosophie et de la raison. Il les voit tous les deux comme pris dans une sorte de « faute » originelle qu’il appelle métaphysique : un tort fait à l’Etre…
Entre le premier et le second Heidegger, il y a eu l’adhésion du philosophe au nazisme…
Les deux volumes ici rassemblés (FdS n° 10, 1998, 2004, et FdS n° 1, 1997, 2003)… sont rédigés dans une optique principalement pédagogique : il s’agit de rendre compréhensible l’essentiel de la pensée de chacun des deux auteurs, dans une synthèse vivante qui reformule et reconstruit leurs idées en sorte de les rendre accessibles à un lecteur d’aujourd’hui, même peu connaisseur de philosophie.

Prix 21 €

Le Temps (Suisse) a consacré un article à ce coffret :
http://www.letemps.ch/livres/Critique.asp?Objet=5970

mardi 15 avril 2008

Promotion de printemps (1)


Voici 2 beaux livres, intelligents et clairs, qui me paraissent mériter l’attention – j’en suis l’éditeur…

1) Michel Henry, par Paul Audi, Figures du Savoir n° 38 / Les Belles Lettres, 2006. – Monographie consacrée aux thèmes et concepts majeurs d’un phénoménologue de premier plan, penseur de l'immanence, traduit en 11 langues et assez méconnu en France.




4e de couverture :

Michel Henry (1922-2002), philosophe et romancier, appartient à la famille des phénoménologues « sans monde » (avec Levinas, et peut-être Derrida), que l’on pourrait opposer à celle des phénoménologues « du monde » (Heidegger, Merleau-Ponty).
Reprochant aux systèmes philosophiques d’oublier l’essentiel de la vie, Michel Henry élabore une « phénoménologie de la vie » qui entend ne pas trahir son mode de manifestation, qui reste dans cette sphère d’immanence où la vie apparaît comme ce qui se sent soi-même. Comprendre le « Moi » et les phénomènes du monde à partir du « vivre » et de son auto-affection, tel est le vrai ressort de cette œuvre dense et rigoureuse.
On se propose ici d’en restituer le mouvement, depuis l’Essence de la manifestation jusqu’à Paroles du Christ en passant notamment par Marx, Généalogie de la psychanalyse et Voir l’invisible. Sur Kandinsky, et d’expliciter certains de ses thèmes majeurs : la duplicité de l’apparaître ; la vie en tant qu’autorévélation dynamique et pathétique ; l’auto-affection comme essence de l’affectivité ; le corps ; l’ipséité du sujet ; le rapport à l’Autre ; l’immanence.
En conclusion, on fait le point sur la trajectoire parcourue par cette philosophie, partie d’une révélation phénoménologique pour aboutir à une Révélation religieuse. En quoi la rencontre d’Henry avec la « vérité du christianisme » demeure-t-elle de nature philosophique ? Penser « l’essence de la manifestation » permet-il d’emprunter d’autres chemins que ceux qui conduisent au seuil de la foi ? On proposera un début de réponse et quelques perspectives.

Prix : 19 €

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2) Ruyer, par Fabrice Colonna, Figures du Savoir n° 39 / Les Belles Lettres, 2007. Monographie consacrée à un métaphysicien d'exception, grand penseur du vivant, injustement oublié – jusqu’à Nancy, où il a longtemps enseigné, où une salle de l’université porte pourtant son nom.


4e de couverture :

Raymond Ruyer (1902-1987), philosophe situé à l’intersection des sciences et de la métaphysique, comme Bergson mais à distance de lui, voit son œuvre entourée par un étrange silence, exception faite de La Gnose de Princeton.
Ruyer a développé une philosophie générale de la biologie (Éléments de psycho-biologie, La Genèse des formes vivantes) ; l’étude de l’invention des formes de la vie l’a conduit à une théorie de la causalité biologique, contestant le discours génétique. Parallèlement, il a cherché à tirer toutes les conséquences théoriques des révolutions de la physique du XXe siècle, notamment de la mécanique quantique, en construisant le finalisme qu’elles appellent.
Réflexions inséparables d’une méditation ample, englobant une théorie de la conscience et du cerveau (La Conscience et le Corps), une philosophie de la valeur, une critique de l’utopie (L’Utopie et les Utopies) et l’une des grandes théologies rationnelles du XXe siècle (Dieu des religions, Dieu de la science).
Élaborer un panpsychisme conséquent, dans l’héritage de Leibniz, tel a été l’objectif de ce philosophe à la langue toujours claire, qui a parcouru l’ensemble des savoirs de son temps.
Forte d’une vingtaine de livres et de plus d’une centaine d’articles, cette œuvre qui a influencé Merleau-Ponty et Deleuze, mérite qu’on s’y arrête. Le présent ouvrage expose pour la première fois la pensée de Ruyer dans son ensemble, depuis les grands traités du milieu de siècle comme Néo-finalisme jusqu’au manuscrit inédit de 1983, L’Embryogenèse du monde et le Dieu silencieux, et espère lui restituer son unité et sa signification propres.

Prix : 19 €

dimanche 13 avril 2008

Lueurs…






Dans The Yemen Times (10/13 avril 2008), Hamed Thabet rapporte que Nojoud Muhammed Nasser, 8 ans, s’est présentée seule devant la Cour de Sana’a le 2 avril 2008, pour obtenir qu’un juge engage des poursuites contre son père, Muhammed Nasser, qui l’avait forcée, il y a 2 mois, à épouser Faez Ali Thamer, 30 ans.
La fillette a également demandé le divorce, accusant son mari de mauvais traitement et sévices sexuels.
Selon la loi yéménite, Nojoud Muhammed Nasser n’est pas d’âge à engager une action judiciaire. Néanmoins, un juge, M. Muhammed Al-Qathi, a accepté de l’entendre et a fait procéder à l’arrestation du père et du mari.

Extrait de ses déclarations au Yemen Times :

« Mon père m’a battue et m’a dit que je devais épouser cet homme, et que si je ne le faisais pas, je serais violée et aucune loi, aucun sheikh... ne m’aiderait. J’ai refusé, mais je n’ai pas pu empêcher le mariage… J’ai supplié... ma mère et ma tante pour qu’elles m’aident à obtenir le divorce… Elles m’ont répondu qu’elles ne pouvaient rien faire… [et m’ont dit :] si tu veux, tu peux toujours aller au tribunal… Et c’est ce que j’ai fait… »

Et encore :

« [Mon mari] me faisait des vilaines choses, et je ne savais pas ce qu’était un mariage. J’avais beau courir d’une pièce à une autre pour lui échapper, il finissait toujours par m’attraper. Il me battait et recommençait à me faire ce qu’il voulait. Je pleurais beaucoup mais personne ne m’écoutait…
Chaque fois que je voulais jouer dans la cour, il me battait et m’entraînait dans la chambre à coucher. Ca a duré 2 mois…
Un jour, je me suis enfuie et je suis venue au tribunal… »


L’oncle de la fillette, qui refuse de donner son nom, lui tient lieu de tuteur. Selon lui, Muhammed Nasser, peu après avoir perdu son emploi – il conduisait une benne à ordures à Hajjah, à l’est de Sana’a – est devenu un mendiant et a commencé à souffrir de désordre psychique.
Le mari, Faez Ali Thamer, aujourd’hui en prison, reconnaît avoir été « intime » avec elle, mais estime n’avoir rien fait de mal. « C’est ma femme et j’ai le droit [d’agir comme je l’ai fait] et personne ne peut m’arrêter… Mais si le juge… insiste pour que je divorce, je le ferai. C’est OK. »
Jusqu’ici, aucune accusation n’a été portée contre le père, qui a été relâché pour raisons de santé, ni contre le mari de Nojoud Nasser, qui restera en prison jusqu’à la fin de l’enquête…




Mme Shatha Ali Nasser, qui siège à la Cour suprême du Yemen et suit cette affaire, précise : « L’article 15 du Code civil yéménite dit bien “qu’aucun garçon ou fille ne peut être marié avant l’âge de 15 ans", mais cet article a été amendé en 1998 : les parents peuvent passer un contrat de mariage entre leurs enfants même s’ils n’ont pas 15 ans. Cependant, le mari ne peut avoir de relations intimes avec la femme tant qu’elle n’est pas prête ou mure… »
Mme Shatha Ali Nasser ajoute que le cas de Nojoud Nasser n’est pas le premier de son genre au Yemen, mais que c’est la première fois qu’une fillette va seule devant un tribunal pour demander le divorce.

« Nous n’envisageons pas de la renvoyer dans sa famille. Qui sait ? La chose pourrait se reproduire dans quelques années… Nous projetons de la confier à Dar Al-Rahama [ONG qui s’occupe d’enfants], qui lui rendra la vie meilleure et pourra lui donner une instruction… Nous ne voulons pas que sa famille paie pour elle, ce sont des gens pauvres… »
***

Sources :

Hamed Thabet, « For the first time in Yemen , 8-year-old girl asks for divorce in court », The Yemen Times, Issue: (1145), Volume 18, 10/13 avril 2008.

Illustrations : copyright Alain Bellaïche.

dimanche 6 avril 2008

Serpents et sornettes…




Mimi – [Je] me mis à réfléchir après avoir entendu un sermon... au cours duquel le pasteur nous avait parlé du péché originel, d’Adam, d’Eve et du serpent. Lola et Nancy avaient écouté avec moi les paroles du clergyman… Nous commentâmes pendant des heures le thème… de ce prêche et moi… je déclarai à mes jeunes amies : « En somme, une femme, pour devenir mère, doit se laisser influencer par un serpent… Vous souvenez-vous, Nancy, si votre mère avait un serpent à la maison, au moment de votre naissance ? »
Nancy s’esclaffa : « Vous êtes bête ! S’il y avait eu un serpent, papa l’aurait tué aussitôt. »
Mimi – Alors, que vient faire cette histoire de serpent ?
Lola nous exposa sa théorie : « Cet animal, c’est ce qu’on appelle un symbole… La Bible est un livre sérieux dans lequel on n’appelle pas un chat un chat… Le serpent, c’est en réalité un mauvais homme ou, si vous préférez, un homme sans scrupules qui doit manigancer quelque chose en sous-main dans la naissance de l’enfant… Ce qui me fait croire ça, c’est que j’ai entendu un jour ma tante Elizabeth qui parlait avec une dame de ses amies et qui disait, à propos de moi : « Vous ne trouvez pas que Lola ressemble de plus en plus à Harold, l’ami de son père ? »
Mimi – Alors ?
Lola – … Vous ne devinez pas que c’est lui qui dut faire le coup du serpent ? …

Mimi – … Un jour Nancy vint m’annoncer… qu’elle savait comment on pouvait déterminer d’avance le sexe d’un enfant : « … Quand la mère couche avec un homme, elle donne naissance à un garçon. Quand elle couche avec une femme, elle met au monde une petite fille. Vous voyez comme c’est simple ! »

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Le 26 mars 2008, Al-Arabya.net, site appartenant à des Saoudiens, met en ligne un article de Naser al-Qahtani annonçant en titre : « Un prêcheur… saoudien demande que l’accès à Facebook soit bloqué dans le pays »…
Extraits :
« Sheikh Ali al-Maliki, prêcheur réputé du royaume déclare que Facebook est un ‘outil’ occidental de corruption de la jeunesse du pays…
De jeunes saoudiennes s’étant inscrites… et ayant mis en ligne ‘‘photos et postures critiquables’’, il met en garde contre l’accès des femmes [à Facebook]… et ajoute : ‘‘ Facebook est une porte [ouvrant] sur la luxure, et jeunes hommes et jeunes femmes dépensent plus pour leurs téléphones portables et pour Internet que pour leur nourriture’’… Il insiste pour que l’accès [à Facebook] soit bloqué en Arabie saoudite, ‘‘pour éviter les troubles’’.
Plusieurs ingénieurs [?] qui suivent l’affaire [!] ont déclaré à Al-Arabiya.net que ‘‘certaines jeunes saoudiennes avaient choisi pour leur ‘profil’ des photos assez osées et ne s’étaient pas bien comportées, une fois que les liens noués au travers du réseau avaient débouché sur des appels ‘vidéo’ ou des échanges par messagerie instantanée ou téléphone portable’’…
Ils ajoutent : “ On trouve aussi des pages consacrées aux relations homosexuelles, spécialement entre lesbiennes’’…

En août dernier, ajoute Naser al-Qahtani, une jeune femme a été tuée par son père à Ryad – l’affaire vient juste d’être révélée : il était entré dans sa chambre alors qu’elle bavardait avec un jeune homme rencontré grâce à Facebook…
Selon des sources policières, le père l’aurait d’abord battue avant de la tuer d’un coup de feu ».


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Reprenant l’information dans The Telegraph, Damien McElroy ajoute la précision suivante :
« Les coutumes sociales et religieuses en Arabie saoudite obligent les femmes à couvrir leur tête et leur corps, afin que les hommes ne soient pas distraits par la silhouette féminine…
Par ailleurs, rapporte-t-il, des critiques soutiennent que Facebook est un organe de promotion des relations homosexuelles en Arabie saoudite. Plus de 6 500 personnes ont signé la pétition en ligne pour demander que les Autorités ne suivent pas l’exemple de la Syrie – qui a déjà bloqué l’accès au site….
Il y aurait plus de 30 000 abonnés à Facebook dans le royaume… Beaucoup de saoudiennes usent de pseudonymes et mettent en ligne des images ou des dessins plutôt que des photos. Certains bloggeurs saoudiens ont surnommé le réseau ‘‘Faceless’’…
La popularité des sites pour célibataires a brisé les tabous prévenant les gens de faire des rencontres sans passer par la famille ou les relations de classe.
L’un des groupes ‘‘Facebook” les plus populaires chez les jeunes saoudiens est ‘‘Single and Looking in Saudi Arabia’’, qui compte 1823 ( !) membres et met en ligne beaucoup d’images ‘‘sexuellement explicites’’ ( !!). »




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Sources :

Maurice Dekobra, Mimi Broadway, Moeurs américaines, Editions Baudinière, 1936.
Naser al-Qahtani, « Preacher demands blocking of Facebook due to Saudi women access... », Al-Arabiya.net, 26 mars 2008, relayé par Arab Media&Society le 3 avril 2008.
Damien McElroy, « Saudi woman killed for chatting on Facebook », Telegraph.co., 4 avril 2008.

Illustrations :

1.- Copyright Jérôme Schmidt
2. - Copyright Patrick Jelin