jeudi 26 mars 2009

For « connoisseurs »… [I]



En 1898, Estherazy vient d’être acquitté et l’Aurore de mettre en première page le J’accuse… ! de Zola, Gyp [voir, dans cet espace, Un curieux penchant II, mis en ligne le 16 février 2009] publie chez Flammarion Israël, sorte de roman à clefs[1], aux titres de chapitres évocateurs : C’est euss’ qu’est les rois, Châteaux en… France, Leur sens moral, Ceux qui ne les gobent pas, Ceux qui n’en veulent pas, Leur patriotisme, Leur tact…

Gyp est le nom de plume de la comtesse de Martel de Janville (1849-1932), née Sibylle Aimée Marie Antoinette Gabrielle Riquetti de Mirabeau, arrière petite nièce du turbulent et talentueux tribun révolutionnaire, Honoré de Mirabeau, partisan entre autres de l’émancipation des Juifs. – Descendant d’une famille florentine, Honoré de Mirabeau était réputé avoir quelques gouttes de sang séfarade…

Un œil pour le détail pittoresque, un rien de méchanceté qui la faisait redouter et juger « spirituelle »[2], romanesque, passionnée[3], nationaliste convaincue abhorrant tout ce qui était allemand, boulangiste enflammée, anti-dreyfusarde militante, anti-sémite affirmée, cette femme du grand-monde, patronne des arts et des lettres[4], aujourd’hui bien oubliée, fut un écrivain à succès – plus de 120 livres à son actif dont un, Le mariage de Chiffon, a été porté à l’écran par Claude Autant-Lara[5] en 1941 (avec Odette Joyeux dans le rôle de Chiffon).

Dans Israël, il est question de Juifs (non d’Israélites !), spécifiquement de Juifs allemands, pas de « tueurs de Christ » ni d’« Asiates » mais de riches phynanciers sans scrupules ni manières, d’excès, d’hubris, de passe-droit, de compromissions, de veulerie et de quant-à-soi. – Le théologique a lentement laissé la place au politique depuis la fin du Ier Empire, ce que la proche séparation entre l’Eglise et un Etat dont elle n’est plus la colonne vertébrale ne fera qu’officialiser, et la question pertinente semble désormais être celle de la nature de l’appartenance à la collectivité nationale française, droit ou « sang », contrat ou « race ».

Israël porte témoignage non de la force des préjugés, ce qui serait banal, mais de l’effet proprement dévastateur que produit sur des « locaux » très anciennement enracinés l’irruption de l’Etranger dans « leur » monde, ici celui de l’ostentation, de la puissance, du spectacle et du « goût » : ange noir portant, mieux étant la nouvelle de leur prochaine irrelevance. Du visiteur, on s’accommode, on le moque, on le souffre ; on peut même s’enticher (provisoirement) de son exotisme[6].

De celui qui vient s’installer, bousculer les repères, déranger les équilibres, les rapports de force, les pré-attributions de biens et positions sociales, des femmes aux décorations en passant par les postes enviables, on ne veut absolument pas. – Cela vaut aussi pour le monde du travail, mais la Nécessité qui le gouverne, gagner sa subsistance, ne permet pas toujours de l’apercevoir aussi clairement. Quand bien même il ferait tous les efforts possibles pour se fondre dans le paysage, parce que ce qui est localement désirable est toujours rare d’être désiré, comme l’expose Sartre[7], quelle que soit son apparente et mesurable abondance.



Partout, l’Etranger est un compétiteur, particulièrement en temps de Crise comme on sait, et il ne s’agit pas d’un problème « économique », sauf à inclure le psychique dans l’économie : le trait sous lequel sa « différence » supposée non résorbable est reconnue et stigmatisée peut changer de nom, la « brioche » ou le « pain » qu’il est réputé venir voler, selon les « lieux » sociaux investis, est un signifiant très plastique, pas un référent – s’en sont bien rendus compte, pour ce qui nous concerne, non seulement les Maghrébins récemment venus en France, pour qui il s’agit principalement de leur religion, mais aussi les Italiens, les Arméniens et les Polonais qui les ont précédés au XXe siècle, pour qui ce ne pouvait absolument pas être le cas et qui se sont heurtés, eux, à un protectionnisme touchant l’« emploi » –, demeure ceci que L’Etranger n’a pas de place là où l’identité collective du groupe d’« accueil » fait question, est en proie à une reconfiguration violente.

L’Etranger est par nature forclos du Symbolique qu’il espère intégrer si celui-ci manque de son étai. En 1898, la France, honteuse et pleine de ressentiment à l’égard d’une Allemagne qui l’a défaite et rétrécie, est tiraillée entre une République hésitante et une Royauté impossible à restaurer…

Inassimilable, par conséquent, y est à ce moment l’Etranger. Encore plus s’il est Allemand. Juif de surcroît, et inexpiablement riche, c’est-à-dire en vue… Et le Juif alsacien, qui s’imaginait hors du coup d’être français depuis avant la Révolution, se retrouve symboliquement « désassimilé », amalgamé à son corps fortement défendant et étiqueté « Allemand », comme l’Affaire Dreyfus vient de le lui découvrir à son grand désarroi.

Inassimilable, cet Etranger-là, le Juif allemand ayant choisi la France mais aussi le Juif alsacien fraichement « germanisé » bien que resté farouchement français après l’annexion de l’Alsace et la Lorraine, le restera deux-trois générations, le temps d’un long et cruel bizutage, le temps de trouver un objet pouvant faire consensus, d’être venu après-coup s’ajouter au « stock » des enviables tel qu’il était au moment de son arrivée contestée : une guerre, par exemple[8]…

Jusqu’au moment où, devenu à son tour un « local », sa « différence » vidée (en apparence) de pertinence par la résolution de la question de l’« identité nationale » (mais aussi, souvent, par son propre éloignement d’avec sa tradition d’« origine »), il deviendra capable d’affronter l’Etranger qu’il croira ne plus être, le Juif de l’Est, avec le même dédain, la même hargne que ceux qui l’avaient autrefois accueilli[9].

La résolution de cette question n’était que provisoire et l’éloignement d’avec sa tradition, inutile, comme cet Etranger amalgamé et « acclimaté » le découvrirait lui-même avant peu, avec horreur, au début des années 1940 : rejeté, malgré ses morts de 14-18 et ses médailles militaires, au même titre que ce compagnon d’infortune de qui il avait tant cherché à se distinguer.

On peut changer d’« affiliation religieuse », pas s’arracher à la prétendue « race » qu’on vous oppose avec la haine désespérée qu’engendrent les très vieilles angoisses brutalement revenues à la surface et qu’il faut vite refouler, tant bien que mal : la question du régime, République ou Royauté définitivement réglée, les royalistes n’ayant pas réussi à s’affirmer en raison des atermoiements du comte de Chambord [10], et le boulangisme ayant fait faillite [11], il allait s’avérer que le politique, en France, avait certes pris le pas sur le théologique mais n’avait pas sa capacité à fixer le réel, à aveugler, comme il avait très longtemps, lui, su le faire, la béance reconnue-déniée sous le nom de « Juif ».

Béance du sexuel comme différenciant.– Ce qui demande, bien sûr, à être développé…[12]




Revenons à Gyp et à son Israël.

Extraits :

Le matin à 10 heures ½, avenue du Bois de Boulogne [aujourd’hui, avenue Foch], porte Dauphine, auprès de l’allée des Cavaliers.

Un Voyou, 20 ans, le nez écrasé, la figure mouchetée de taches de rousseurs [sic], les yeux en trous de vrille, à l’arroseur qui détourne son jet pour ne pas toucher un bicycliste qui arrive à fond de train sur la chaussée. – Gicle donc d’ssus !…

L’arroseur, blasé. – … quoi faire ?…

Le Voyou. – Pour voir !…

L’arroseur. – Ca vaut pas l’coup !

Le Voyou. – C’aurait pourtant été rigolo de l’faire camboler !…

L’arroseur. – Les bicyclisses, ça leur fait rien !… Les cavaliers, à la bonne heure !…

Le Voyou, avisant un cavalier qui arrive au pas dans l’allée. – Sur ç’ui-là, tiens !… l’a eun’ vraie binette à la désastre, ç’ui-là !…

L’arroseur, regardant le cavalier et détournant précipitamment son tuyau. – T’es fou, que j’pense !…

Le Voyou. – Pac’que ?

L’arroseur, encore tremblant. – C’est l’baron Mac Chabée d’Clairvaux, voyons !… [il s’agit probablement du comte Mac Chabée d’Clairvaux et non pas du baron, comme le suite va le montrer.]

Le Voyou, regardant le baron qui passe devant eux. – Crénom !… en a t’y un blair !…

L’arroseur. – Dame !… on l’aurait à moins !…

Le Voyou, regardant le cheval. – L’a eun’ chic cagne, toujours !… c’est vrai qu’il a d’quoi douiller !…

L’arroseur. – Oui… l’a d’quoi… ben, tu m’croiras si tu veux ?… on m’donnerait d’quoi à condition d’êt’ youtre qu’j’en voudrais pas !

Le Voyou, perplexe. – Moi, j’sais pas… mais j’crois qu’si j’pouvais, j’m’appuierais bien ça !…

… Silence assez long. L’arroseur est descendu à une autre bouche d’eau ; le voyou l’a suivi. Montrant une bande de cavaliers qui arrivent dans l’avenue, revenant du Bois. – Tiens !… le v’là qui s’ramène, l’baron Mac Chabée d’Clairvaux ! avec des aut’… et des personnes ! c’est-y la baronne, c’te chouette-là ?

L’arroseur. – La baronne ! alle monte pas avec l’baron ! alle monte à neuf heures… avec un grand blond…

Le Voyou. – Qu’est youpin aussi ?...

L’arroseur. – Tu n’voudrais pas ?…

Le Voyou. – Ca n’vaudrait pas le troc !...

L’arroseur, regardant les cavaliers. – ça doit êt’ madame… (Il cherche.) Ah…je n’sais pas ! j’sais seulement qu’c’est eun’ marquise !…

Le Voyou. – Eun’ pour de vrai ? ou eun’ comme c’est qu’Mac Chabée est baron ?…

L’arroseur. – Comment donc qu’c’est qu’il est baron ?… c’est pas comme les aut’ !…

Le Voyou. – C’est comme les aut’ qui l’sont comme lui… c’est pas comme les aut’ qui l’sont comme y faut qu’on l’soye… (A l’arroseur qui le regarde étonné.) J’sais ça pac’que j’ai été dans eun’ maison chic… à l’écurie… où qu’c’est qu’les larbins parlaient des patrons… c’taient des vrais nobles… qu’avaient des titres sans l’s avoir payés…

L’arroseur. – Alors, ceux qu’on a pas payés, c’est les meilleurs ?…

Le Voyou. – Paraît… (Regardant les chevaux qui passent.) Si c’est pas qu’ils ont des chics titres, ils ont des chics canassons, toujours !…

L’arroseur. – Oui… l’baron Daniel surtout… […] L’fils Mac Chabée d’Clairvaux… l’pus gros… l’aut’, le p’tit, c’est le baron Joseph…

Le Voyou. – C’est pas possible !… t’as gardé les cochons avc, qu’tu les appelles par leurs p’tits noms ?…

L’arroseur. – Non… c’est les sergots… qui m’les ont montrés…

Le Voyou. – Alors, c’est les sergots qu’ont gardé les cochons avec ?

L’arroseur, méprisant. – Pour veiller d’ssus, faut bien qu’y sachent comment qu’c’est qu’ils ont l’nez fait, s’pas ?…

Le Voyou. – Ca, tout l’monde sait comment qu’c’est qu’ils ont l’nez fait… (Réfléchissant.) Mais… veiller d’ssus ?… pourquoi que c’est y qu’on veille d’ssus ?…

L’arroseur. – Pac’que c’est les Mac Chabée d’Clairvaux !…

Le Voyou. – Alorss’, c’est euss’ qu’est les rois !…


*

A la gare du Nord

Mouvement de va-et-vient encore plus accentué qu’à l’ordinaire. Les employés courent dans toutes les directions. On entend continuellement les sonneries et les sifflets de manœuvres. Il est cinq heures du soir.

Sur le quai

L’employé supérieur. – Qu’on… arrête [le départ du 29 bis], nom de nom !… qu’on l’arrête !… (Il se précipite sur une sonnerie.) et qu’on laisse passer le train spécial !…

L’employé quelconque. – Y a déjà du retard… les voyageurs commencent à gueuler…

L’employé supérieur. – Eh ben, ils gueuleront !… ils gueuleront tant qu’ils voudront ! j’m’en f… j’ai des ordres…

La porte d’un salon réservé s’ouvre. Il en sort :


Le comte Mac Chabée de Clairvaux, 60 ans. Nez fabuleux. Cheveux et favoris blancs et clairsemés. Oreilles plates, longues et exsangues, traversant le quai avec la marquise de Maugiron. – Ché né fus ovvre bas lé pras… barcé gué ché sais gué les tames aiment mieux s’ogguber té leurs ropes et té leurs bedides avvaires… gar fus safez bien gué, sans ça… (Il la regarde tendrement.)

La marquise, 38 ans. Mince, grasse [ !], souple, blonde, une taille charmante, beaucoup d’élégance, de race et de chic. L’air étonnamment jeune. – Merci !… vous avez toutes les délicatesses… (Elle le regarde tendrement aussi.)

Le vicomte d’Ebrouillar, 27 ans, pas grand mais bien pris. Jolie tournure, jolis yeux bleus, joli teint rose, jolis cheveux très blonds. Tout en lui est joli, élégant et pomponné. Trop bien mis. Modes anglaises de demain. Offrant son bras à la comtesse Mac Chabée de Clairvaux. – Voulez-vous accepter mon bras pour traverser ?… (Bas, après avoir regardé si Maugiron qui les suit ne peut pas entendre.) Je t’adore !…

La comtesse Mac Chabée de Clairvaux, 49 ans, grande, molle [ !], très serrée. Nez fabuleux. Cheveux très noirs. Peau rugueuse, d’un rouge violacé, transparaissant sous une couche considérable de poudre de riz. L’aspect d’une énorme framboise roulée dans du sucre. Regardant aussi si Maugiron ne peut pas entendre. – Tais-toi !… et ne me regarde pas comme ça ! j’ai peur de me trahir !…

Le marquis de Maugiron, 40 ans, grand, très beau, distinction infinie, grand air et grand chic. Qui devine ce qu’il n’a pas entendu, à lui-même. – Pauv’ d’Ebrouillar ! il est parfois dur de gagner sa pauvre vie !… (Regardant sa femme qui monte dans le train avec le comte Mac Chabée de Clairvaux.) j’aime encore mieux ne pas faire ça moi-même !…

Le train spécial s’ébranle lentement. Il est 5 heures 30. Le train de 5 heures [le 29 bis] s’avance.

*

Dans un compartiement du train spécial :


Le duc de Grenelle, 48 ans, beaucoup de chic et peu d’argent, au beau des Effluves. – Je ne savais pas que vous alliez chez les Mac Chabée ?… Je ne vous y ai jamais vu…

Le beau des effluves, 35 ans, beau, gracieux, aimable, poétique, etc., etc., professionnel flirteur. – Mais je n’y suis jamais allé ! c’est la première fois… ils m’ont invité à venir faire l’ouverture… c’est, je crois, la première année qu’ils chassent ?…

Le duc de Grenelle. – Oui… Ils ont acheté le château des Quatre-Tours il y a quelque temps déjà, mais ils ont eu beaucoup de peine à organiser la chasse… on ne voulait ni leur vendre ni leur louer les terres[13]… enfin, ils y sont arrivés…

Du Helder, 38 ans, aime le monde quand même et va dans tous. – Ils avaient de quoi !…

Le petit de Jabo, 23 ans, un peu envieux et las de la vie. – Le fait est qu’ils sont riches que c’en est dégoûtant !…

D’Alveol, 40 ans, bon garçon gobeur, heureux de vivre. – Pourquoi donc ça, dégoûtant ?… moi je trouve que c’est chic comme tout…

Le petit de Jabo, 23 ans, un peu envieux et las de la vie. – Le fait est qu’ils sont riches que c’en est dégoûtant !…

Vicomte de Sangeyne, 38 ans, du chic, de l’esprit, pas d’argent, pas très bien élevé. A l’horreur des Juifs. – T’es pas difficile !…

[…]

Le duc de Grenelle, qui est arrivé en retard et n’a rien vu. – C’est singulier !… j’aurais parié que les Maugiron seraient de la première série ? je ne les ai pas aperçus…

Sangeyne. – Ils y sont !… au salon d’honneur !… avec les patrons !…

Le petit de Jabo.– Et d’Ebrouillar ?…

Le beau des effluves.– Bien entendu…

D’Alveol, qui n’est jamais au courant de rien. – Pourquoi, bien entendu ?… (Personne ne lui répond.)

Le petit de Jabo.– C’est égal !… il est crâne, d’Ebrouillar !…

D’Alveol, qui ne comprend pas.– Tiens !… ben, en le voyant, je ne l’aurais pas cru !…

Le petit de Jabo, qui est navré de n’être pas à la place de d’Ebrouillar. – Pour faire le métier qu’il fait, il faut être diablement courageux !…

Le beau des effluves.– Pas si courageux que Mme de Maugiron !…

Le duc de Grenelle.– Euh ! euh !… je ne sais pas trop !…

Le petit de Jabo.– Enfin, on dira ce qu’on voudra, c’est beau l’argent, c’est utile !… voilà ce vieux cochon de père Mac Chabée qui s’offre la plus joli femme de Paris…

Sangeyne. – Et qui, après avoir ostensiblement volé dans tous les pays et dans toutes les affaires, étant connu pour le pire des filous, trouve moyen de recevoir chez lui MM. de Grenelle et de Maugiron… (Blagueur.) les plus grands noms de France… et vous tous qui êtes bien nés et bien élevés…

[…]

Du Helder. – Et pendant que Mac Chabée fait de nous sa société, sa femme fait les délices du plus joli homme du monde… (Tête du beau des Effluves.)

[…]

Sangeyne. – Vous exagérez peut-être un peu ?… (le beau des Effluves se rassérène.) Si vous disiez ‘du plus joli des hommes du monde’, ce serait déjà bien gentil… et d’ailleurs mérité… (Retête du beau des Effluves.)

[…]

Le petit de Jabo, caressant le chien de M. d’Oronge qui est venu poser sa tête sur ses genoux […] –… là… voyez-vous… je le trouve un peu trop rose… et le poil est tombé par places…

Monsieur d’Oronge, indigné. – Tombé !… le poil !… jamais !… il n’y en a jamais eu… mon chien est chauve sur les tempes, comme tous les animaux de pur sang… c’est une preuve de race, le poil clairsemé !… ça prouve que le produit est tracé…

Sangeyne. – Alors, Mac Chabée doit l’être joliment, tracé !…

Du Helder. – Si vilain qu’il soit, je changerais bien avec lui, moi !… il n’y a pas à dire mon bel ami, c’est eux qui ont le gros lot !…

Sangeyne. – C’est le cas de le dire !… oui, il est certain qu’aujourd’hui il n’y a plus ni de noblesse – j’entends de noblesse qui se tienne – (tête du duc de Grenelle.) ni privilèges, ni honorabilité, ni morale, c’est à eux le gâteau !… ils sont les vrais grands de la terre !… le comte Mac Chabée de Clairvaux, contumace, protégé dans ses promenades par des agents de la sécurité contre des chantages trop flagrants ou des coups de tampon trop sérieux, est un personnage aussi important que n’importe quel souverain moderne… il ne lui manque que la naissance et le prestige… à part ça…

Du Helder. – On dit que Maugiron bâtit un hôtel qui coûtera 3 millions…

Le petit de Jabo. – Et ce qu’il a gagné dans les mines d’or !… (Avec regret.) d’Ebrouillar aussi…

Du Helder. – Comment se fait-il qu’il soit dans le train avec nous, Mac Chabée ?… au lieu d’être là-bas à nous attendre tout installé d’avance…

Le duc de Grenelle.– Non… il a raison !… les souverains emmènent ainsi leurs invités avec eux en train spécial…

Sangeyne riant. – Ils ont tout pris… même les traditions !…


A suivre…


Notes :



[1] Catherine Nicault donne plusieurs éléments permettant d’identifier certaines des figures à partir desquelles Gyp a construit ses « héros » dans « Comment ‘‘en être’’ ? Les Juifs et la Haute Société dans la seconde moitié du XIXe siècle », Archives Juives, n° 42/1, 1er semestre 2009, Paris, Les Belles Lettres, notamment pp.14-17.

[2] « Voici comment [Anatole] France parle de Gyp [...] dans la Vie littéraire, série II : ‘‘ Le pseudonyme de 'Gyp' cache une gracieuse femme, l'arrière-petite-fille de Mirabeau-Tonneau dont elle rappelle l'esprit prompt, indocile et mordant... », Jeanne-Maurice Pouquet, Le Salon de Madame Arman de Caillavet, Ses amis Anatole France, Commandant Rivière, Jules Lemaître, Pierre Loti, Marcel Proust etc., Paris, Hachette, 1926, p. 158.

[3] Déclenchée par une bizarre tentative d’attentat au vitriol sur sa personne, une longue et vicieuse querelle aux étonnants prolongements judiciaires l’a opposée dans les années 1880 à Octave Mirbeau, qu’elle poursuivait d’une affection dont l’écrivain ne voulait pas, et à la future Mme Mirbeau, la très jolie Alice Regnault (née Augustine Toulet), actrice, cocote en vue et potinière au Gaulois, en qui elle voyait une rivale…

De cette querelle riche en rebondissements, Gyp a tiré un livre à clefs, déjà, Le Druide, paru chez Victor-Havard en 1885. Cf. Pierre Michel, « Octave Mirbeau et l'affaire Gyp », in « Littératures », Presses universitaires du Mirail, n° 26, printemps 1992, pp. 201-219 – www.scribd.com/doc/7826974/Pierre-Michel-Octave-Mirbeau-et-laffaire-Gyp-

[4] M. Barrès, A. Daudet, E. Degas, A. France, M. Proust et P. Valery ont ainsi régulièrement fréquenté son salon, qui se tenait le dimanche du déjeuner au dîner.

[5] Il est piquant de noter que le (grand) cinéaste qui, sur son tard, deviendrait député européen du Front National, était le fils d’un homme, l’architecte Edouard Autant, qui avait contribué à démasquer Esterhazy : « Le père d’Autant-Lara fera preuve toute sa vie d’un bel anticonformisme qui se manifestera courageusement à l’occasion de l’Affaire Dreyfus. Dans des circonstances rocambolesques, Edouard Autant avait récupéré par l’intermédiaire d’une concierge qui faisait les poubelles, des pneumatiques et des lettres du regrettable Commandant Esterhazy, l’âme damnée de l’Affaire Dreyfus. Cette correspondance plaidait pour l’innocence du Capitaine et le père de Claude n’hésitera pas à en faire état, permettant ainsi, avec d’autres, l’ouverture du procès en révision du Capitaine Dreyfus. Alexandre Autant, le père d’Edouard, anti-dreyfusard enragé, ne pardonnera pas à son fils son engagement en faveur du bagnard de l’Ile du Diable. Les deux hommes ne se revirent jamais… », Francis Girod, Discours prononcé lors de sa réception sous la Coupole en hommage à Claude Autant-Lara, 17 décembre 2003, www.academie-des-beaux-arts.fr/actualites/receptions/2003/girod/discours%20girod.htm

[6] Celui, par exemple, d’un authentique rastaquouère, le brésilien de La vie parisienne de Jakob Eberst dit Jacques Offenbach…

[7] Le rare, en ce sens très fort, est un transcendantal dont rien ne peut venir à bout, même une explosion des « ressources » convoitées.

Nathalie Monnin (Sartre, Paris, les Belles Lettres, 2008) écrit : « La relation fondamentale qui s’engage entre les hommes et entre les hommes et la nature est structurée par la rareté. Le concept est d’importance chez Sartre, car, outre qu’il est la structure formelle de tous nos rapports, il permet de comprendre la sourde violence présente en chacun de nous à l’état diffus, quand elle ne s’exprime pas ouvertement dans la révolte – ou la Révolution. À Marx qui explique l’histoire humaine par la lutte des classes, Sartre réplique [dans Critique de la raison dialectique] : ‘‘Toute l’aventure humaine (…) est une lutte acharnée contre la rareté’’. », p. 138.

Et encore, p. 139 : « … il y a contradiction, il y a lutte, entre les hommes, mais les raisons ne sont pas à chercher ailleurs que dans l’homme lui-même, en ce qu’il a toujours plus de besoins que ce qui est à sa portée.

La rareté se fait d’abord sentir dans le surplus des hommes par rapport aux ressources disponibles. Mais Sartre ne limite pas la rareté aux besoins matériels ou à telle denrée, il l’étend à l’ensemble de l’activité humaine : le temps peut lui-même devenir rare dans nos sociétés, ou bien le travail, […] etc. Le concept n’a pas de contenu déterminé puisqu’il marque le rapport entre la demande et l’offre, c’est-à-dire qu’il signifie aussi l’intérêt d’une société à un moment donné de son histoire pour telle ou telle chose. Dans cette course à combler ce qui manque, l’autre apparaît alors comme celui qui peut prendre ma place, ce que Sartre nomme le contre-homme ». – Le contre-homme

[8] Et encore, cela ne désarmera pas la droite maurassienne ; au contraire. Maurras lui-même, à l'issue de sa condamnation en janvier 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi anti-allemand militant, il avait pourtant assuré la publication de L'Action française pendant toute la période d'occupation avec pour slogan « La France seule », croyant ainsi se démarquer de la Collaboration –, déclarera assez bizarrement : « C'est la revanche de Dreyfus ! ». – Il vaut d'être noté que c'est à la prison de Clairvaux [!] que Maurras a passé ses dernières années, avant d'être gracié in extremis (pour raisons médicales) par le président de la République, Vincent Auriol. Cf. fr.wikipedia.org/wiki/Maurras

[9] Echo romanesque de la façon dont les OstJuden fuyant le léninisme, la Réaction polonaise ou encore la Garde de fer roumaine ont été considérés par les Juifs français [ici, alsaciens] dans les années 1920 : « Dès que le grand rabbin eut quitté la tribune […] l’office [de Yom Kippour] se poursuivit […] C’était le moment que depuis plus de quarante ans, Samuel Springer [chef de la célèbre « Galerie Springer » que nul Parisien n’ignore et que tout amateur d’art, fût-il de Londres ou de Shangaï, a eu à cœur de visiter] avait choisi pour sortir un instant du temple [!] […]

Debout, appuyé contre une colonne de l’atrium qui prolonge la cour, Samuel Springer considérait les groupes. Ceux-ci, nombreux, bruyants et colorés, étaient composés par tous ceux qui, n’ayant point de place, croyaient cependant accomplir œuvre pieuse en errant durant le jour entier parmi les corridors et les dépendances du temple. La synagogue était pleine, mais le nombre de gens qui demeuraient dehors était au moins égal à celui des Israélites [!] qui avaient pu entrer […]

En véritable artiste qu’il était, Samuel Springer souffrait presque physiquement en considérant le mauvais goût avec lequel certains de ses coreligionnaires s’étaient endimanchés. Voyantes et crues, les teintes des robes froissaient sa sensibilité tout autant que les corps épaissis de certaines femmes, leurs cous trop gras, leurs chevilles trop fortes. Il déplorait aussi les vestons trop strictement ajustés des hommes dont l’élégance cosmopolite [!!] s’alliait parfaitement aux gros diamants de leurs compagnes, à leurs colliers de perles et à leur paradis.

– Je ne reconnais plus personne, soupira-t-il […]

Les accents criards des gens qui le coudoyaient le tirèrent de sa rêverie. Bon gré, mal gré, il dut à nouveau s’intéresser à eux. Mais, découragé, il fit demi-tour et revint sur ses pas.

– Que de Pollacks [=Juifs polonais], murmura-t-il, ils nous submergent ! », Jacob Lévy, Les Pollacks (1925), rééd. Paris, L’Arbre de Judée/Les Belles Lettres, 1999, pp. 19-20.

[10] Le comte de Chambord, petit-fils de Charles X, promis au trône par l’assemblée élue en 1871 avec l’accord (et sous la surveillance) de Bismarck, recule au dernier moment, en refusant d'adopter le drapeau tricolore. Au moment de sa mort, attendue avec impatience par les royalistes qui soutenaient désormais Philippe d’Orléans, La République, que l’assemblée avait provisoirement adoptée dans l’attente de sa mort, se trouvera avoir pris racine dans l’opinion.

[11] Le général Boulanger, héros des « patriotes », adulé des femmes, soutenu par les bonapartistes et les monarchistes, n’ayant pas supporté la mort de sa maitresse, Mme de Bonnemains, se suicide d’un coup de revolver sur sa tombe dix semaines plus tard, le 30 septembre 1891. Le boulangisme restera orphelin jusqu’à la fin des années 1930.

[12] En attendant on peut déjà, nanti de cette indication minimale, se tourner vers d’autres horizons et tenter d’entendre d’une oreille plus fine quelques propositions contemporaines, où il est question de la dite béance, rapportées par Nonie Darwish : « “Les Juifs sont les ennemis des musulmans, indépendamment de l’occupation de la Palestine ; nous les combattrons, les déferons et les annihilerons jusqu’au moment où il ne restera plus un seul Juif à la surface de la terre”, Muhammad Ya’qoub, religieux égyptien... “Les Juifs propagent la guerre, l’homosexualité et la corruption dans le monde’’, Alaa Said, religieux égyptien… Zaghloul Al-Naggar, religieux égyptien, appelle “à la guerre contre les Juifs, qui sont des démons à forme humaine’’ [toutes déclarations faites aux télévisions arabes en janvier 2009] », Nonie Darwish, « Muslim Hate », Frontpage magazine, 25 mars 2009.

[13] « ... Souvent on entend passer dans les hauteurs l'équipage de chasse à courre du comte de Valon : sonneries de trompes, aboiements de la meute ; on peut reconnaître au son les péripéties de la poursuite [...] Je n'éprouve aucune sensiblerie à tirer sur un lièvre, mais la lente agonie du cerf aux abois m'est insupportable. [Ma sœur] Albertine [de Luppé] aurait eu plaisir à suivre ces chasses mais on n'était pas “en relation’’ avec la majorité des veneurs. Ils portaient un nom juif ! A cette époque il était de bon ton [!] d'être antisémite », Comtesse Jean de Pange (née Pauline de Broglie, sœur de Louis), Comment j'ai vu 1900 (t. III), Derniers bals avant l'orage, Paris, Grasset, 1958, p. 31.

Illustrations :

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jeudi 5 mars 2009

Un curieux penchant (IV et fin)



… les Français, tous les Français y compris ceux qui viennent d’Algérie et n’ont acquis leur nationalité que récemment ont à assumer cet héritage - – se soutenir d’une provenance « maghrébine » pour prétendre s’en excepter n’est pas admissible : le tort fait aux musulmans d’Algérie, Harkis y compris, privés du secours et de la protection de la loi. Et reconnaître une faute est toujours difficile, surtout si on l’a commise indirectement. Encore plus quand on croit être soi-même une victime – avec de bonnes raisons pour cela.
Troisième volet de l’hypothèse exposée plus haut : le pro-« palestinisme » français a tout à voir avec cet héritage-là.

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Le pro-« palestinisme » français comme noire figure de (ré)conciliation

Ces différents éléments rappelés, avec une approximation raisonnable, nous pouvons maintenant déployer notre hypothèse quant à l’origine de ce sentiment complexe, le pro-« palestinisme » français, dont nous persistons à dire qu’il ne va pas de soi, même dans l’ordre des raisons. Sa première couche nous semble constituée par le proprement intolérable énoncé suivant : « Nous – Français de naissance ou par choix, et quelle que soit notre origine « ethnique » ou notre affiliation « confessionnelle », aussi molle soit-elle – sommes, de gré ou de force, les héritiers de ceux qui ont dénoncé et chassé les Juifs ».
La chose est d’autant plus douloureuse que l’exemple venait d’en haut, que nous autres, Français, avons coutume de suivre assez aveuglément ce que nous proposent nos chefs, héritage du catholicisme romain dans lequel nous nous sommes reconnus, souvent très violemment – faut-il rappeler la St Barthélemy ? – alors qu’il était refusé par une Réforme anti-hiérarchique et invitant à la responsabilité individuelle[1], compliqué de notre gallicanisme obstiné qui « demande » que celui qui incarne ou représente la Nation ait préséance sur le pape, encore plus quand les églises sont désertées…
Et si ces bien embarrassants Américains (et les Alliés) ne nous avaient pas forcés, en venant nous libérer – eux d’abord, eux surtout, et non pas les admirables mais trop peu nombreuses Forces Françaises de l'Intérieur, quel qu’ait été leur grand courage et leur héroïsme, quelque pathétiquement réussie ait été la mise en scène gaullienne d’une auto-libération –, à affecter de ré-examiner publiquement notre comportement pendant les dites « années noires de l’Occupation »[2] – nous nous en serions tirés par une pirouette et serions revenus tranquillement à nos affaires, en réglant chaque cas individuellement dans la plus grande discrétion ; c’est-à-dire, souvent, en laissant indéfiniment traîner les choses – combien de tableaux volés pendant cette période toujours accrochés dans les palais nationaux, dans les ambassades, dans les musées ou dormant dans les caves officielles ? Ce qui explique pourquoi, par fidélité, nous, sans distinction de classe sociale, de niveau d’éducation ou d’« origine », continuons de ne pas aimer les Américains[3], même si nous avons un faible évident pour le président Barack Obama – que nous ne porterions pas facilement au pouvoir en France, non pour ce que l’on pourrait croire mais parce qu’il lui faudrait d’abord conquérir l’appareil politique, de gauche, du centre ou de « droite », lui permettant d’être en position de candidat plausible, ce qui ne va pas de soi...



C’est d’ailleurs pour ça que ceux dont nous sommes (ou sommes devenus) les héritiers se sont jetés dans les bras du général de Gaulle de la Libération quand il leur a dit, à leur bien grande surprise, que seule une poignée d’individus avait collaboré avec l’Occupant et que la France, dans son immense ensemble, avait vaillamment résisté. Leurs enfants, qu’on n’avait pas jugé bon de mettre dans la confidence, manifesteraient bruyamment leur ingratitude, certain mois de mai de l’année 1968. Ils défileraient même, en écho supposé narquois à une phrase malheureuse du dirigeant cégétiste Georges Séguy à propos de l’étudiant franco-allemand, roux et anarchiste, Daniel Cohn-Bendit, en scandant « Nous sommes tous des Juifs allemands »[4] – au comble de la méconnaissance ou de la sur-clairvoyance.
Aussi ont-ils, et nous avec par conséquent, écouté avec faveur et début de soulagement (lâche ?) le même général de Gaulle parler, au lendemain de la Guerre des 6 jours[5], lors d’une conférence de presse mémorable (27 novembre 1967), à propos d’Israël et de ses citoyens (dont tous ne sont pas Juifs, on l’a rappelé) de « peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur », liant opportunément, pour eux et pour nous, « Juifs » et « Israéliens » dans le même opprobre[6]. – L’ère de Guy Mollet, ce président du Conseil au temps où la gauche aimais Israël[7], ce dirigeant de la SFIO tant détesté par le PS qui a pris sa suite, était bien révolue. Bientôt commencerait de se déployer la politique « arabe » de la France…



Avec une telle caution, il devenait possible de se dire sans honte quelque chose comme ceci : « Si l’on peut reprocher une arrogance et une exubérance de nature, quasi génétique, aux Israéliens (c’est-à-dire aux « Juifs » qui n’ont ni honte ni peur de l’être), alors ceux dont nous sommes les héritiers, et que nous avons à assumer par force sous ce rapport, ne sont peut-être pas si coupables qu’il ne nous a paru vis-à-vis des ces irréductibles ou profondément inassimilables ».
L’attribution publique, par une voix on ne peut plus autorisée, d’une tendance condamnable à l’excès, à l’hubris, qu’aurait invinciblement Israël (c’est-à-dire des « Juifs » à la souveraineté retrouvée), quand viendrait le moment de reconnaître (en les déniant) les torts faits aux musulmans d’Algérie – ceux ayant accédé à la nationalité algérienne, ceux ayant choisi la France, renoncé de fait au droit musulman en vigueur depuis l’époque ottomane, acquis la nationalité française et s’étant trouvés néanmoins, eux et leurs enfants, en butte aux préjugés et au racisme, les Harkis, eux, étant toujours scandaleusement ignorés – allait permettre un progrès considérable dans la voie du « soulagement » de conscience.
Désormais on pourrait avouer la faute et obtenir pardon plein sans pénitence, se disant quelque chose comme ceci : « Ceux dont nous sommes les héritiers et nous mêmes avons eu des torts envers des musulmans mais, en soutenant les ‘Palestiniens’ contre les Israéliens – dont nous ne voulons pas savoir qu’ils ne sont pas tous Juifs – qui se comportent [gratuitement ?] mal à leur égard, alors, sans avoir besoin d’expliciter quoi que ce soit, nous nous rachetons de nos torts envers les musulmans en général (c’est-à-dire les « Arabes » selon ce fantasme) tout en nous disculpant, nous, et nos prédécesseurs avec nous ».
Avoir autrefois dénoncé, chassé des Juifs – qui se trouvaient être pour beaucoup citoyens français – et contribué à les envoyer à la mort devenait soudain beaucoup moins grave...
Personne n’a jamais articulé aussi précisément (réalistement ? cyniquement ?) cet enchaînement de propositions, qui n’est présenté ici qu’au titre de reconstruction, aucun complotiste, aucun maître-manipulateur ; cet enchaînement n’a pas fait non plus l’objet d’un long débat sur la place publique. C’est progressivement qu’il est devenu acceptable puis « évident », de glissements en petites phrases délibérément scandaleuses lâchées par des politicards vieillis, par des « humoristes » bas de gamme, de films douteusement nostalgiques, la vogue « rétro » des années 1970, en caricatures paresseuses.


Cela s’est certainement passé par à-coups et par « validations » successives, collectives et spontanées ; une génération a passé. Il y a eu différentes phases au cours desquelles a joué un même désir fort et inavouable – remanier le passé, ré-écrire les faits – poussant à une élaboration secondaire efficace de morceaux et thèmes, pas toujours cohérents, pour qu’ils deviennent parties d’un récit fluide et gratifiant, mieux« salvateur ». Quelque chose comme ce que fait, mais en accéléré, le héros du Voyage de M. Perrichon qui, entre la scène III et la scène IV de l’acte II de la célèbre pièce de Labiche, minimise le mérite de celui qui lui a sauvé la vie, jusqu’au moment où il estime ne lui être, en fait, redevable de rien.
La reconstruction proposée devrait permettre de comprendre, parce que cela ne va pas de soi, même la part faite à la « conviction » anti-colonialiste, comment, non des nationalistes archaïques au nombre décroissant, plutôt paganisants, rongés par le vieil anti-judaïsme chrétien et la xénophobie, voire le racisme, mais des républicains post-modernes (dont certains sont juifs), partisans des droits de l’homme sous toutes leurs guises, de tous les droits à la différence imaginables, que le négationnisme révulse, qui sont toujours prêts à se mobiliser contre l’« extrême droite » et qui savent, à l’occasion, exprimer de la compassion à l’égard des victimes d’attentats dans les écoles, cafés, hôpitaux, centres commerciaux et autobus israéliens, peuvent, en conscience, se faire pratiquement les champions d’une société dont les souffrances, réelles et/ou auto-provoquées, ne sauraient nullement justifier l’intolérance religieuse à l’égard des chrétiens qui en font partie depuis des siècles, la répression des homosexuels, l’assujettissement des femmes, la pratique du crime dit d’« honneur » ou l’envoi d’enfants bardés d’explosifs à la mort (rarissimement ceux des notables et autres « responsables »[8]), pour citer quelques traits qui font gravement problème.



Notre réponse, on le devine, est qu’ils ne sont pas consciemment les champions d’une telle société, qu’ils aimeraient probablement peu s’ils y étaient confrontés directement, encore qu’on ne puisse complètement écarter pour certains un délire vertueux à la Pol Pot, ancien (médiocre) étudiant de la Sorbonne, mais les adorateurs intéressés, d’autant plus qu’ils n’en veulent rien savoir, d’une image, d’une icône, qui leur permet de se réconcilier avec eux-mêmes et d’intégrer dans un imaginaire commun et noble, l’universalisme, l’anti-racisme, voire l’anti-capitalisme, les nouveaux venus en souffrance d’identification collective, spécialement ceux issus de l’immigration non européenne, souvent confus et écartelés entre appartenance religieuse et nationale. – On se souvient, par exemple, des sifflets qui avaient accompagné l’exécution de la Marseillaise au début d’un match de foot-ball, France-Algérie, le 6 octobre 2001 au Stade de France. Il y en a eu d’autres depuis… Admirable réconciliation anté-christique, sur le dos des « Israéliens », là-bas, sur les écoles, les synagogues et, quelquefois, le corps des Juifs, ici[9].


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Dans une tribune consacrée aux images de la récente intervention israélienne à Gaza intitulée « Malentendu métaphysique et meurtre d’enfants », jusqu’ici refusée par deux grands quotidiens nationaux (!) et qu’il nous a amicalement communiquée[10], le psychanalyste Philippe Réfabert s’interroge sur le retour d’une bien vieille figure, celle du « Juif-tueur-d’enfant » – le cas « Al Dura », le plus déroutant, est dans toutes les mémoires –, qui donne une coloration particulière à l’image-repoussoir du « Juif-Israélien » dont nous traitons[11]. Et, exposant en quoi, pour lui, « républicanisme » et « pro-palestinisme » ne sont pas si incompatibles qu’il ne nous semble à première vue, il invite de fait à ne pas se contenter de remonter au traumatisme Décret-Crémieux/perte de l’Alsace-Lorraine pour saisir le nœud de l’affaire :
« Quant à la source de la complaisance des médias français à reproduire sans examen ni esprit critique les supplices d’enfants que les caméras arabes dispensent à leurs téléspectateurs, elle me semble un peu plus complexe en même temps qu’un peu plus trouble. Elle me paraît être un mélange de vieille hostilité française, “culturelle”, à l’égard des Juifs, et d’une nostalgie du temps où l’universalisme républicain issu de la révolution française régnait quasiment sans partage. Cet universalisme avait toujours été en différend avec le judaïsme parce que l’altérité radicale que le peuple juif s’évertue à soutenir, vaille que vaille et bon an mal an limitait ses prétentions […], Les Républicains affectaient dans leur immense majorité de ne pas voir que cette altérité était la condition, comme Éric Marty l’écrit dans Bref séjour à Jérusalem (Paris, Gallimard, 2003), “de toute liberté subjective puisqu’elle fonde l’interdit et l’impossibilité de toute unanimité mimétique”. »
Il y aurait une première faille post « Déchristianiseurs de l’an II », un premier temps de ce traumatisme-là, entre Révolution et Empire en passant par la Terreur, que son après-coup révèlerait dans toute son étendue[12] : il fallait bien que quelque chose prédisposât la majorité d’une chambre issue du Front populaire à voter les pleins pouvoir au maréchal Pétain ! Le passif serait donc encore plus lourd que nous ne l’avons laissé entendre jusqu’ici…



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On peut maintenant essayer de conclure : sentiment et non pas jugement, aussi bien argumenté soit-il, telle serait la nature du problématique pro-« palestinisme » français. Inclination-écran plus que position, qui n’aurait pas sa raison en elle-même seulement, ce qui la rend d’autant plus passionnée. Lieu d’une réconciliation / territorialisation / intégration d’une identité « républicaine-nationale » blessée (et bousculée par la déterritorialisation accrue des flux de production et de capital, ces derniers ne pouvant pas ne pas être associés fantasmatiquement à ces « financiers juifs » réputés disposer d’une puissance démesurée[13]), et non pas conséquence d’une évaluation pondérée (au besoin biaisée) d’un référent, la « Palestine », et de la dynamique qui le traverse – référent qui, au fond, importe peu. Un étrange et inquiétant rejeton de l’inconscient, formation de compromis instable qui permet d’accueillir sans les reconnaître les fantômes qui hantent notre société déboussolée.



On peut, armé de cette hypothèse, considérer le chômage élevé qui a longtemps frappé inutilement les petits-enfants de ceux qui se ont distingués pendant les années d’Occupation comme une forme d’expiation sans aveu, principalement pendant les années où régnait un président à la jeunesse exemplaire[14] (!), qu’on s’est obstiné admirablement à comprendre en termes économiques – d’autres pays européens, aux systèmes voisins, confrontés aux mêmes difficultés que la France ne l’ont pas connu dans les mêmes proportions… La Crise mondiale récente a, opportunément en un sens, contribué à opacifier la question.
On peut aussi considérer le pro-« palestinisme » spontané des Français comme une façon de reconnaître en les niant les torts faits autrefois aux musulmans d’Algérie : faute d’oser ouvertement envisager de renvoyer (mantra scandaleux du seul Front national, on le sait, ce qui n’a pas empêché les voix « populaires » de se porter longtemps sur lui, et que les bobos branchés de Canal +, par exemple, essayent aujourd’hui d’imputer à l’ancien ministre de l’Immigration) ceux qui résident parmi nous en tant que citoyens – et qui sont beaucoup plus « intégrés » qu’on ne veut bien le dire, leur anti-américanisme et leur adhésion au pro-« palestinisme » nous en paraissant l’un des signes les plus sûrs – les mêmes disent majoritairement ne pas vouloir accueillir dans l’Europe économico-politique 70 millions de Turcs musulmans – qui partagent en majorité, aujourd’hui qu’ils sont dirigés par un parti islamiste « modéré » mené par un premier ministre qui a su, spectaculairement, s’en prendre au si accommodant et urbain Shimon Peres[15], la même antipathie qu’eux à l’égard d’Israël…
Façon de dire que l’on a affaire avec une illusion, pas une erreur, dont Freud remarquait que ce qui la caractérise est qu’elle est susceptible d’être partagée, pas rectifiée : c’est pourquoi il serait illusoire de croire que l’on peut raisonner ce sentiment, moins encore en venir à bout avec des arguments, aussi posés et rationnels soient-ils. Pour filer la métaphore, il y faudrait un choc à long retentissement, une énonciation autorisée de principes, une intervention soutenue et énergique (!) du Gardien de la Loi, pour créer les conditions d’une perlaboration susceptible de déplacer les représentations bloquées et libérer les options politiques légitimes des préjugés douteux qui leur collent à la « peau ».
– Sans doute faut-il souligner l’évidence et redire ici, à l’attention des âmes tendres qui s’émeuvent, sélectivement, d’un rien, qui se plaignent de ne pouvoir faire connaître leurs réserves à l’égard de la politique israélienne sans risquer l’accusation d’« antisémitisme », que s’exprimer sans contrainte autre que celle fixée par la loi (pas par le « bon goût » ou la décence), en l’occurrence critiquer, voire s’opposer à ce que font (par opposition à « sont ») les Juifs français, constitués en groupe agissant publiquement, et/ou l’Etat d’Israël, est évidemment l’une des libertés estimables qu’offre une République qui est un Etat de droit, tout comme celle de tenir publiquement pour infondée cette critique…

Croire en l’efficace d’une intervention soutenue et énergique du Gardien de la Loi, n’est pas nécessairement de l’angélisme si on en juge par la forte réaction provoquée par la proposition (oubliée depuis) du président Sarkozy de « confier la mémoire» d'un enfant déporté de France, victime de la Shoah, à chaque élève de CM2 », proposition défendue ainsi par son promoteur :
« On ne traumatise pas les enfants en leur faisant ce cadeau de la mémoire d'un pays, pour leur dire : un jour c'est vous qui écrirez l'histoire de ce pays. Nous, nous en sommes la mémoire, ne refaites pas les mêmes erreurs que les autres »[16]…

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En attendant cette hypothétique intervention, on se contentera d’observer que « sur le terrain », là où il est question de réalités dangereuses et non d’icônes ou de signifiants, les « activistes » du Hamas estropient ou exécutent des « activistes » du Fatah qui auraient collaboré avec Israël lors de l’offensive contre la bande de Gaza[17] ; le Fatah, dont nombre de militants ont été arrêtés ou tués par les « activistes » du Hamas, par la voix de son dirigeant « modéré » désireux de se refaire une légitimité, accuse Israël de « crimes de guerre » et travaille à mettre sur pied un gouvernement d’« union nationale » avec le dit Hamas, qui n’a pas renoncé à tirer des missiles « améliorés » sur le sud d’Israël ; et les Etats arabes sunnites, dans leur majorité, particulièrement l’Arabie saoudite et l’Egypte, s’inquiètent d’un messianisme islamique dédaigneux de la « Palestine » concrète et servant les intérêts d’un Iran musulman, certes, mais chiite, non-Arabe et proche d’accéder à l’arme atomique[18]…


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Notes :

[1] Cf. Francesco Paolo Adorno, Arnauld, Les Belles Lettres, Paris, 2005, pp. 23-42.
[2] Combien peu de « responsables » inquiétés, combien de résistants de la onzième heure, de magistrats et fonctionnaires de Vichy maintenus à leur poste, voire promus, de collaborateurs devenus en un jour « épurateurs » zélés, de règlements de compte - Ah ! la tonte des femmes… - de réticence à rendre appartements et biens « annexés » à leurs propriétaires, revenus contre toute attente… Cf. J. Galtier-Boissière, Mon journal dans la grande pagaïe, op. cit.
[3] Sagesse yiddish : « Quel bien ai-je pu lui faire pour qu’il me déteste autant ? ». – On se souvient sans doute de l’un des arguments utilisé contre le candidat de la « droite », lors de la campagne présidentielle de 2007, par les partisans d’un ancien premier ministre UMP, fin diseur et homme de lettres, et dont ils étaient convaincus qu’il le disqualifierait absolument : N. Sarkozy aurait été « pro-américain »… L’un des autres arguments, prudemment avancé par l’intermédiaire d’un journaliste du New York Times en poste à Paris, était : N. Sarkozy aurait été d’origine juive !
[4] Lors de la contre manifestation gaulliste du 30 mai 1968, menée par une brochette de ministres, de MM. Debré et Malraux, à MM. Joxe, Missoffe, Schumann, Billotte, Michelet, Marcellin, Peyrefitte et Chaban-Delmas, on pourra entendre, après les classique « De Gaulle n'est pas seul ! », « Le communisme ne passera pas ! », « Le drapeau, c'est bleu-blanc-rouge ! », les slogans suivants : « La France aux Français ! », « Le rouquin à Pékin ! », « Cohn-Bendit en Allemagne ! », mais aussi « Cohn-Bendit à Dachau ! »… http://membres.lycos.fr/mai68/degaulle/manifestation30mai1968.htm
[5] Pour mémoire : en mai 1967, le président égyptien Nasser expulse du Sinaï les forces de l’ONU chargées du maintien de la paix depuis 1957, au lendemain de l’intervention Britannico-franco-israélienne, suite à la nationalisation du canal de Suez par l’Egypte ; dans la foulée, avec le plein soutien de la Ligue arabe, il ferme le détroit de Tiran (qui sépare le golfe d’Aqaba de la mer Rouge) aux navires battant pavillon israélien ou transportant marchandises et matériels à destination d’Israël. Israël, qui a annoncé que cette fermeture constituerait un casus belli, attaque le 5 juin 1957 les forces massées à ses frontières. Outre l’Egypte, la Jordanie et la Syrie, l’Algérie, l’Arabie saoudite, l'Irak, le Soudan et le Maroc participeront au conflit…
[6] En 1968, Raymond Aron prenant acte des propos pour le moins inattendus, compte tenu du contexte, de l’ancien chef de la France libre les « comprendrait », dans De Gaulle, Israël et les Juifs (Paris, Plon), comme marquant officiellement la fin (et l’échec) de l’« israélitisme »…
[7] Cf. François Lafon, Maître de conférences à l'Université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, « Quand la gauche française aimait Israël », http://www.akadem.org/sommaire/themes/politique/9/2/module_3094.php.
[8] A quelques rares exceptions près, dont celle, très remarquable, du cheik Nizar Rayyan, prédicateur, membre éminent du Hamas et grand promoteur de l’attentat-suicide, tué avec ses 4 femmes et 9 de ses enfants dans un bombardement de l’armée israélienne, le 1er janvier 2009. Connu pour avoir envoyé l’un de ses fils en mission-suicide à Eley Sinai en 2001, où 2 israéliens avaient été tués, selon des survivants de sa propre famille « il aurait régulièrement demandé à ses enfants, dans les jours précédant sa mort : ‘‘Qui veut mourir en martyr avec moi ?’’. A quoi les enfants auraient répondu : ‘‘Papa, vivants ou morts, nous voulons être avec toi’’.
Wala, l’une des filles majeures de Rayyan, à dit [dans une entretien avec la presse locale] que même les plus jeunes des enfants voulaient mourir avec leur père. ‘‘On aurait [posé la question] à Aïcha, ma sœur de 4 ans, morte dans l’attaque, elle aurait répondu qu’elle préférait mourir en martyr’’, a-t-elle déclaré à Ma'an news (agence de presse palestinienne « indépendante »).
Une des belles-filles de Rayyan a dit qu’il lui avait été proposé de mourir avec la famille. En visite chez les Rayyan, son beau-père lui avait demandé si elle voulait mourir avec lui, ses épouses et ses enfants. Elle avait accepté, mais avait fini par sortir de la maison peu avant le bombardement.
Il semble que Rayyan avait déjà été averti par téléphone de l’imminence du bombardement et invité à évacuer la maison quand il a fait sa proposition à sa belle-fille. » « nizar-rayyan-martyr-to-hatred », Catholic Friends of Israel, 17 janvier 2009, catholicfriendsofisrael.blogspot.com
[9] « Pas moins de 352 actes antisémites ont été recensés pour le seul mois de janvier [2009], alors qu’on en recense habituellement autour de 450 pour une année entière », Alain Chouffan, « Nicolas Sarkozy et Alain Chouffan au dîner du Crif », 3 mars 2009, http://davidetceline.over-blog.com/
[10] [30 mars 2009] Ce texte a depuis été publié par Tribune Juive, Revue de l'actualité culturelle, Volume 26, Montréal, Canada.
[11] D’autres, à l’évidence ; ne « bénéficient » pas du même type d’attention de ces médias... « … Samir Kuntar a annoncé ses fiançailles cette semaine à Beyrouth, au cours d’une cérémonie dont on a beaucoup parlé.
Kuntar a été emprisonné en Israël pour son rôle dans une attaque terroriste transfrontalière qui a fait 4 morts : 3 membres de la famille Haran [le père et ses 2 filles] et un policier. Il a été libéré l’année dernière en échange des corps de 2 soldats israéliens qui avaient été enlevés, Eldad Regev and Ehud Goldwasser. Kuntar doit épouser Zeineb Barjawi, d’une famille libanaise très en vue. De nombreux dignitaires libanais ont assisté à la cérémonie au domicile beyrouthin de la fiancée, parmi lesquels l’ancien président [pro-syrien] Emile Lahoud et le père d’Imad Mughniyeh, le dirigeant du Hezbollah assassiné. Lahoud aurait déclaré ; “L’évènement est cher à mon coeur. Je considère Samir Kuntar comme l’un de mes fils et je souhaite une vie heureuse au couple”. Ghassan Bin Jiddu, chef du bureau libanais d’ Al-Jazeera aurait aussi compté au nombre des invités… » Yohav Stern, « Lebanon elite turns out to celebrate terrorist Samir Kuntar's engagement », Ha’aretz, 4 mars 2009. Voir également, dans cet espace, Re-Effets d’optique, mis en ligne le 23 juillet 2008.
[12] Pour appuyer cette proposition, ceci : « Max Nordau; [prenant la parole] au Premier Congrès Sioniste de Bâle (1897) déclare : ‘L’émancipation des Juifs [par la Révolution française] n’est pas la conséquence d’une conviction, qu’un tort grave avait été fait à un peuple, qu’il avait été traité de façon choquante et qu’il était temps de réparer une injustice vieille de mille ans ; c’est la conséquence du mode de pensée géométrique du rationalisme français du XVIIIe siècle.’ » Eli Kavon, « America is no Babylonia », Jerusalem Post, 3 mars 2009.
[13] Celle que leur prête Mme Fatima Hajaig, vice-ministre sud-africain des Affaires étrangères, par exemple, qui a déclaré, le 14 janvier 2009, au cours d’un meeting pro-palestinien à Lenasia : « En fait, ils contrôlent [l’Amérique], quel que soit le gouvernement au pouvoir, qu’il soit Républicain ou Démocrate, Barack Obama ou George [W] Bush […] Le contrôle de l’Amérique, tout comme le contrôle de la plupart des pays occidentaux, est dans les mains ([sic] de l’argent juif, et si l’argent juif contrôle leur pays, alors vous ne pouvez espérer rien d’autre… » Cnaan Liphshiz, « South Africa Jews slam deputy FM's anti-Semitic comments », Ha’aretz, 28 janvier 2009.
Depuis, Mme Fatima Hajaig a été rappelée à l’ordre par le gouvernement sud-africain (fortement sollicité par la communauté juive locale qui avait déposé une plainte officielle auprès de la Commission des droits de l’homme), qui a publié le communiqué suivant : « Le vice-ministre [Fatima Hajaig] a exprimé ses profonds regrets au président [Kgalema Motlanthe]. Elle a reconnu que ses commentaires étaient en contradiction avec la politique officielle du gouvernement [nous soulignons]. Elle a ensuite présenté ses excuses sans réserve pour ses commentaires [jugés ‘antisémites’ par le cabinet] et accepté de les retirer inconditionnellement. »
Précédemment, dans une intervention à la radio, Mme Hajaig avait « déploré les tentatives des sionistes de justifier une politique qui avait aggravé la crise au Moyen-Orient.. et une violence d’Etat sans retenue dirigée contre des civils désarmé... Elle avait aussi condamné « les attaques indiscriminées contre des civils israéliens désarmés”. Après quoi, avait déclaré : « J’ai confondu pression sioniste et influence juive. Je regrette que certains aient pu en inférer que j’étais anti-juive… » Cnaan Liphshiz, « South Africa politician apologizes for saying 'Jewish money controls America' », Ha’aretz, 5 février 2009.
- Pour l’anecdote on notera que, pendant ce temps là, un livre fait fureur en Chine, The Currency War, best seller écrit par un chinois, lu, selon la rumeur, jusque dans les plus élevés des cercles dirigeants chinois, qui « décrit comment les Juifs planifient de [réussir à] régner sur le monde en manipulant le système financier international… » Ian Buruma, « The Jewish conspiracy in Asia », Ha’aretz, 16 février 2009.
[14] Cf. Pierre Péan, Une Jeunesse française: François Mitterrand 1934-1947, Paris, Fayard, 1994.
[15] « Lors d’une session plénière du World Economic Forum, à Davos (Suisse), le 29 janvier 2009, le premier ministre turc, M. Recep Tayyip Erdogan, s’adresse au président de l’Etat d’Israël : ‘‘M. Peres, vous êtes plus âgé que moi. [Et] vous parlez trop fort. Je sais la raison pour laquelle votre voix est si forte : c’est [un signe] psychologique de culpabilité. Je ne parlerai pas aussi fort, vous savez… Quand il s’agit de tuer, vous savez très bien le faire. [...] Je sais très bien comment vous avez tiré [sur], comment vous avez tué des enfants sur les plages. [...] Vous avez des premiers ministres [israéliens] qui m’ont dit : ‘Quand mes tanks entrent en Palestine (!), je ressens une joie particulière’…’’ » http://u2r2h.blogspot.com/2009/01/erdogan-shimon-peres-davos-transscript.html
[16] « Parrainage d'enfants juifs : Simone Veil s'insurge », le Figaro, 15 février 2008. Le quotidien précise : « L'initiative du chef de l'Etat, annoncée mercredi soir (13 février) lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a suscité la polémique.
Vendredi, Simone Veil, présidente d'honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et ancienne déportée, n'a pas manqué de critiquer de manière virulente la proposition du chef de l'Etat. Elle a jugé cette mesure ‘inimaginable, insoutenable et injuste’. Interrogée par l'express.fr, elle déclare : ‘on ne peut pas infliger ça à des petits de dix ans’. ‘On ne peut pas demander à un enfant de s'identifier à un enfant mort. Cette mémoire est beaucoup trop lourde à porter’, a-t-elle ajouté. ‘Nous mêmes, anciens déportés, avons eu beaucoup de difficultés après la guerre à parler de ce que nous avions vécu, même avec nos proches. Et aujourd'hui encore, nous essayons d'épargner nos enfants et nos petits-enfants. Par ailleurs beaucoup d'enseignants parlent - très bien - de ces sujets’, ajoute Simone Veil… »
[17] « Report: Hamas murdering 'collaborators'. Amnesty says Hamas kidnaps, tortures, threatens, and murders Palestinians who oppose regime », Ynetnews, 14 février 2009 ; Donald Macintyre, « Hamas admits killing 'Israeli collaborators' », The Independent, 22 janvier 2009.
[18] « Face aux accusations américaines, l’Iran dément vouloir l’arme atomique »… Le Monde, 2 mars 2009.

Illustrations :

People ? (4) © copyright Patrick Jelin.
Je n'en veux rien savoir © copyright Patrick Jelin.
Marcel Duchamp, le retour © copyright Patrick Jelin.
Mouette coite © copyright Alain Bellaïche.
People ? (2) © copyright Patrick Jelin.
Villa-bulle © copyright Serge Kolpa.
Gulp ! © copyright Alain Bellaïche.
Vu du ponton © copyright Alain Bellaïche.
P © copyright François Bensimon.
Déporté © copyright Alain Rothstein.

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