samedi 17 juillet 2010

Promotion d’été 2010

Un livre à lire à l’ombre, en fin de journée, au retour de la plage, un verre d’orangeade à portée de main, qui traite de la psychanalyse et de son inventeur ; où il est question non du supposé « crépuscule d’une idole » (?) mais de la naissance improbable d’une théorie, du récit tortueux qui la « raconte » et des aveuglements (nécessaires ?) d’un génie multiple, tourmenté et faillible – trop humain ! Un livre à lire sans hâte, écrit sur de nombreuses années par deux amis de longue date.

Après, il est justifié de s’abandonner à Schönberg, Berg et Webern. A Mahler aussi.

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Freud, Fliess, Ferenczi, Des Fantômes qui hantent la psychanalyse, Barbro Sylwan et Philippe Réfabert, préface de Serge Tisseron, Paris, Hermann/Psychanalyse, 2010.

4e de couverture (extraits) :

Cet ouvrage recueille les travaux psychanalytiques de Barbro Sylwan, débutés dans le cadre d’une relation d’amitié et de travail avec Nicolas Abraham et Maria Torok et poursuivis seule, puis en coopération avec Philippe Réfabert.

Le fil rouge qui traverse ces travaux est l’analyse critique, non de l’homme Freud, mais du récit freudien qui fondait une doctrine. Le coup d’envoi est donné par la lettre de B. Sylwan au Professeur Freud à propos du petit Hans. De Dora au Trouble de mémoire sur l’Acropole, les auteurs dévoilent les effets du Trauma innommable qui affecta Freud pendant son enfance, et qui a influé sur l'élaboration de sa pensée et conduit au renouveau théorique amorcé par Ferenczi. 



Barbro Sylwan […] formée à la psychologie à Stockholm dans les années 1960 […] est devenue membre de la Société psychanalytique de Paris en 1973 ; [elle a exercé] à Paris jusqu’en 2003 […] Ses travaux, parus en partie dans les revues Confontrations et Études freudiennes, sont rassemblés ici pour la première fois.



Philippe Réfabert, psychiatre, pratique la psychanalyse depuis 1967 et a animé un séminaire […] durant quinze ans. Il est l’auteur de De Freud à Kafka (2001), de nombreux articles et de participations à des ouvrages collectifs.

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Extraits de l’Introduction de Philippe Réfabert

La communauté analytique, interdite, reprenait son souffle. Comme toutes les communautés et les peuples d'Europe. Comme tous, elle faisait comme si l'événement innommable n'avait pas eu lieu. À dire vrai la mise en place de la gigantesque chaîne de production industrielle de cadavres juifs, cette entreprise, conduite par le peuple le plus cultivé du monde, avec la complicité passive des autres, n'avait pas encore trouvé, si elle devait un jour en trouver, de lieu psychique. Il faudra deux générations pour que ses prodromes puissent être reconnus a posteriori et que ses traces, effacées, puissent être recensées. Quant au nom, ce n'est qu'en 1985 que Claude Lanzmann lui en trouvait un, mais en hébreu.

Parmi ceux qui ne participaient pas du « comme si de rien n'était », se tenaient, tout près de Barbro Sylwan, Nicolas Abraham et Maria Torok. Des analystes qui, tous deux, avaient été l'objet de la chasse au Juif organisée par les Allemands aidés de complices, actifs ou passifs, de la plupart des nations européennes, sauf la danoise. Nicolas Abraham avait eu de nombreux parents assassinés. Maria Torok avait, elle, échappé à la traque par le miracle de la fulgurance d'un regard. Elle avait vécu ensuite dans la clandestinité et était passée au travers des rafles jusqu'à ce que l'armée Russe libère Budapest. Ces deux analystes ne pouvaient avaliser le discours de ceux qui versaient tout innommable impensable sur le compte de la figure que Sophocle avait décrite : être en même temps et fils et mari de la même femme – une figure si capitale qu'elle avait aveuglé Sigmund Freud. Ils ne pouvaient avaliser le discours et la pratique de ceux qui ne se donnaient pas la peine de recenser chez eux comme chez leurs analysants les traces corporelles et linguistiques d'événements qui n'avaient pas eu lieu mais où le sujet trouvait son origine.

De l'autre côté de la rue, J. Lacan, par d'autres voies, s'engageait dans une recherche animée par un doute heuristique. Plus tard nous devions y découvrir de nombreux rapprochements avec la clinique de N. Abraham, plus tard, c'est-à-dire quand les effets hypnotiques que son enseignement produisaient sur ses élèves se furent dissipés, quand le vacarme de la guerre intestine, souvent picrocholine, se fut atténué, et que nous pûmes nous approprier les outils conceptuels dont cette oeuvre est riche. Pour l'heure nous nous tenions éloignés de l'atmosphère d'urgence – avec ses effets de terreur –, qui accompagnait le défi théorique que Lacan relevait. Mais la sensibilité à la terreur – nous pouvons le dire a posteriori –, faisait partie de ce qui animait notre propre résistance. C'est ainsi qu'une affinité, à l'époque encore impensée, nous conduisit [Barbro Sylvan et moi] à explorer l'histoire de la psychanalyse et de son invention et à conduire les cures avec les outils de pensée que N. Abraham avait forgés en approfondissant les travaux de l'école hongroise, de Ferenczi à Hermann […]


Prix : 32 €


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