mardi 8 mars 2011

Promotion d’hiver 2011 (1)


Un antidote à la mélancolie socio-politique, un roman enlevé et à fausses clefs de mon ami Michel Desgranges : la trajectoire de Valérie Pignon, femme de pouvoir d’aujourd’hui, dans laquelle on reconnaît assez facilement plus d’une de ces femmes ambitieuses, désireuses d’atteindre au plus haut de l’Etat, ses « consœurs », qui, de temps en temps, font l’actualité... Une forme, un type, une a-personnalité. Un roman à la Balzac mais moderne et sarcastique – Jean-Edern Hallier et Philippe Muray sont passés par là : en 3D, en HD avec incrustations. Un livre politiquement incorrect, drôle et inquiétant, à lire après avoir rageusement éteint la télévision ou la radio, excédé d’entendre en boucle les commentaires des experts sur « les raisons de la perte de crédibilité des politiques » ou « la montée du populisme ».

Une cigarette, une absinthe, des « gingembrettes » peuvent accompagner la lecture.

*

Une Femme d'Etat par Michel Desgranges, Paris, Les Belles Lettres, 2011. Où le président du directoire des Belles Lettres, retiré dans le Perche – pour mieux regarder l’affairement de l’époque ? – revient à l’écriture, où l’éditeur et ami de Jean-Edern Hallier et de Philippe Muray fait preuve d’un mauvais esprit voisin du leur, où l’observateur de la « chose » littéraire (Cf. La chronique des Belles Lettres, 2007) étend son champ d’investigation aux mœurs contemporaines.



Extrait du chapitre Un :


« Valérie Pignon, depuis peu sous-ministresse dans l'équipe Delormeau, ou plus protocolairement secrétaire d'Etat aux technologies nomades, était une bonne fille, plus séduisante que jolie, de l'espèce qui ne refuse jamais une faveur coquine à un collègue, même médiocrement demandeur ; grasse sans être grosse, le peu de fermeté de sa chair s'accordait à la malléabilité de son caractère, et c'est à sa faculté d'acquiescer aux désirs d'autrui, avec un sourire si naturel qu'il la disculpait de toute accusation de servilité, qu'un observateur ignorant de discrètes procédures lui eût attribué le succès d'une ascension qu'elle n'avait jamais voulu, ni même rêvé, entreprendre.

Elle pouvait pourtant se montrer méchante, et rancunière ; du temps qu'elle était stagiaire dans les bureaux parisiens du Parti du Président, chargée d'une étude sur l'impact émotionnel des pin's du souverain, elle n'avait jamais oublié que le fringant Laurent Petifretin avait omis de la convier au dîner mensuel des futurs jeunes cadres du Parti, et elle avait pris sa revanche de cette humiliation (dont elle s'était souvenue grâce à la lecture d'un article psycho de Elle : Forcez votre mémoire à retrouver les mecs qui vous ont outragée) quand, au lendemain de son arrivée dans son Palais de la République (des chambres de bonne réunies en un quatre pièces high tech de l'une des rares HLM du faubourg Saint-Germain) l'impudent était venu la féliciter en lui demandant un poste – un poste ? et être son directeur de cabinet pendant qu'il y était ! C'est alors qu'elle fut presque cruelle, en faisant semblant d'acquiescer aux démesurées espérances du malotru, oui, elle avait répondu en lui faisant croire que... , et en ce moment elle avait ressenti une excitation quasi érotique (lu dans Marie-Claire : Apprenez à jouir en faisant marcher les mecs), et même proche de l'orgasme quand elle avait assené : – En fait, ce que j'avais pensé pour toi, avec ton parcours, c'était de te donner la Mission de recherche sur l'enseignement de l'Ipad dans les crèches.

Contrairement à l'inexpérimentée Valérie, Laurent Petifretin avait immédiatement saisi le poids médiatique de l'innovante Mission. Il avait donc d'abord fait la moue, puis avait toléré d'être supplié pour enfin accepter quand il fut assuré d'avoir un chauffeur, trois secrétaires, deux assistants, autant d'attachées de presse (responsables d'image) et des frais avancés en liquide sans justif sur les fonds secrets de Matignon… »




Prix : 19

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