samedi 22 novembre 2008

A propos du Shas (4)



[…] Aux élections de 2003, le Shas obtiendra 11 sièges mais ne sera pas invité à rejoindre la nouvelle coalition formée par Ariel Sharon, le Shinoui de Tommy Lapid, scission dite ultra-laïque du Meretz, sorti renforcé des élections, refusant formellement de siéger aux côtés du Shas.

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Quelques mois après les élections, en mai 2003, Ariel Sharon, revenant spectaculairement sur ses positions antérieures, adopte la « Road Map for Peace », qui reprend des propositions de George W. Bush pour résoudre le conflit israélo-palestinien, dessinée par les Etat-Unis, l’Union Européenne, la Russie et… l’ONU, et se déclare partisan de la création, à terme, d’un Etat palestinien indépendant. Annonce bien accueillie par l’Autorité palestinienne et la gauche israélienne, fortement critiquée par le Likoud et la droite israélienne – d’abord pour des raisons de sécurité.

Le 11 novembre 2004, Yasser Arafat meurt à Clamart (92). Lui succède, à la tête de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Ridha Abbas, aussi dit Abou Mazen, supposé avoir financé l’opération du « mouvement » Septembre Noir menée contre les athlètes israéliens pendant les Jeux Olympiques de Munich en 1972, et auteur d’une thèse soutenue à l’université Patrice Lumumba en 1982, intitulée The Secret Connection between the Nazis and the Leaders of the Zionist Movement – qui deviendra un livre un peu plus tard...

Le 1er décembre 2004, Ariel Sharon limoge les 5 ministres du Shinoui qui ont voté contre le budget 2005. En janvier 2005, il forme un gouvernement d’Union nationale avec le Likoud et les travaillistes, le Meimad (parti sioniste-religieux social-démocrate) et Deguel HaTorah soutenant le gouvernement de l’extérieur – tout comme le Shas, Eli Yshaï ayant en effet décidé d'adopter une attitude d'opposition passive, c'est-à-dire de s'abstenir de déposer des motions de censure, en dépit des nombreuses réserves que son parti a vis-à-vis de la politique du premier ministre, pour ne pas contribuer à faire tomber le gouvernement.

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Entre le 16 et le 30 août, l’armée expulse, avec difficulté (!), tous les colons de Gaza plus ceux de quatre implantations de Cisjordanie ; elle quitte officiellement la bande de Gaza le 11 septembre, après avoir fermé la frontière.

Décision d’homme d’Etat amené, par « réalisme », à se retourner contre ceux qu’il a encouragés pendant des années à « occuper toute la terre d’Israël » et lui ont fourni une base électorale solide ? Manœuvre retorse – Dov Weissglas, chef de cabinet d’Ariel Sharon ayant déclaré (entretien accordé à Ha’aretz le 6 octobre 2004) : « Le plan de désengagement signifie le gel des pourparlers des paix… Quand on gèle ce processus, on écarte la perspective d’un Etat palestinien... » ? Brillant Coup politique d’un ancien militaire, connu pour sa grande capacité d’improvisation et sur qui pèsent des soupçons anciens de corruption – l’un des fils d’Ariel Sharon, le très « pro-environnement » Omri Sharon, sera inculpé le 28 août 2005 pour avoir illégalement levé des fonds destinés à financer la campagne de son père à l’occasion des élections au sein du Likoud en 1999, et condamné à 9 mois de prison en 2006 ? – Le fait est que, plusieurs années après ce désengagement, la moitié au moins des colons expulsés, quelque 5 000 personnes, attend encore d’être adéquatement indemnisée et relogée dans des conditions « acceptables »…

Le 27 septembre 2005, Ariel Sharon défait de peu une motion de censure suscitée par Benjamin Netanyahou, qui vient de démissionner du gouvernement, et soutenue par les membres du Likoud opposés au désengagement – bien accueilli, en revanche, par la population qui n’a jamais eu beaucoup de sympathie pour les colons : fauteurs de guerre, selon les laïques, bénéficiant de privilèges (avantages financiers, économiques et géographiques) « indus », sentiment qui n’est pas sans rappeler celui de la Métropole à l’égards des pieds-noirs du temps de l’Algérie française ; dangereusement proches de l’idolâtrie, selon nombre de religieux qui se refusent à accepter le jugement du rav Shlomo Goren pour qui « la terre a la priorité ».

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Tout au long de l’année 2005, le rav Yossef a condamné le Plan, estimant que donner du pouvoir aux Palestiniens sans contrepartie, notamment sans qu’ils s’engagent formellement à mettre un terme au terrorisme – c’est-à-dire sans qu’ils s’engagent à « discipliner » par tout moyen approprié ceux des leurs qui continueraient à s’y adonner –, mettrait des vies juives en danger dans les zones se trouvant près de Gaza, à portée de roquettes. Il appellera et participera aux grandes manifestations « anti-désengagement », s’opposera à la tenue d’un référendum sur ce sujet, souhaité par le successeur du rav Schach, le rav Yossef Shalom Eliashiv, fera voter le Shas contre le Plan mais ne prendra pas activement parti pour les colons.

Le 21 novembre 2005, Ariel Sharon démissionne du Likoud, qu’il avait contribué à former en 1973, dissout le parlement et forme un nouveau parti de centre-gauche (!), Kadima, auquel se rallient de nombreux membres du Likoud (et Shimon Peres, les travaillistes lui ayant préféré l’ancien patron du syndicat Histadrout, Amir Peretz, un séfarade au physique de Peppone[1] !) et dont les sondages prédisent la victoire aux prochaines élections. Le 18 décembre, Ariel Sharon est brièvement hospitalisé après avoir subi une attaque cérébrale légère. Le 20 décembre 2005, Benjamin Netanyahou est élu à la tête du Likoud. Le 4 janvier 2006, Ariel Sharon est de nouveau hospitalisé après avoir subi une 2e attaque cérébrale. 15 jours après, il entrait dans un coma dont il n’est pas sorti à ce jour. Ehoud Olmert, ancien opposant (de droite) aux Accords de Camp David (1978), ancien maire Likoud de Jérusalem, ministre des Finances du précédent gouvernement en remplacement de Benjamin Netanyahou, lui succède à la tête de Kadima et devient premier ministre par intérim.

Le 28 mars suivant, Kadima obtient 29 sièges aux élections, les travaillistes, 19, le Shas 12, le Likoud est laminé avec 12 députés (contre 29 dans la précédente Assemblée), Ehoud Olmert est confirmé au poste de premier ministre et forme un gouvernement avec Kadima, les travaillistes, le Shas et Gil (le parti des retraités) – auquel se joindra Yisrael Beteinu (parti « russe » de droite) en octobre 2006.

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Mais plaisir d’a-amour ne du-ure qu’un moment…

Le 12 juillet 2006, des membres du Hezbollah traversent la frontière, entraînant de facto le Liban dans une guerre avec Israël, lancent des missiles sur des soldats israéliens, en tuent 3, en blessent 2, et en emmènent 2 en captivité au Liban [voir dans cet espace Re-Effet d’optique, mis en ligne le 23 juillet 2008].

Dans les jours qui suivent, Ehoud Olmert et son peu expérimenté ministre de la Défense, Amir Peretz, promettent à grand bruit de tout faire pour ramener les captifs et lancent Israël dans une riposte d’envergure, suscitant beaucoup d’espoir (!) dans plusieurs pays arabes (sunnites) de la région, inquiets de l’influence grandissante de l’Iran (non arabe et chiite) – mais avec une curieuse retenue : bombardements aériens, tirs d’artillerie massifs, un blocus maritime et, enfin, opérations au sol, demandées dès le premier jour par nombre d’officiers supérieurs mais bizarrement retardées par le gouvernement – ce qui donnera tout loisir à l’état-major du Hezbollah de se mettre à l’abri et de déclencher des tirs de roquettes contre les villes du nord d’Israël, sans que jamais l’armée israélienne ne puisse y mettre un terme.

Des infrastructures seront détruites, dont l’aéroport international de Beyrouth utilisé par le Hezbollah pour faire entrer armes, munitions et matériel en provenance d’Iran dans le pays, une centaine de soldats israéliens, cinq cents membres du Hezbollah et des centaines de civils libanais seront tués, mais les captifs [dont on apprendrait en juillet 2008 qu’ils étaient morts, dans des conditions non rendues publiques, ou pendant l’attaque, ou peu après] ne seront pas récupérés.


Pendant ce temps, Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, met au point avec l’ONU un cessez-le feu qui prendrait effet le 14 août 2006. La milice commandée par Imad Mugnieh [voir dans cet espace Res ipsa loquitur, mis en ligne le 18 février 2008], bien que très inférieure en nombre, avait réussi à tenir tête à l’armée israélienne, mieux, à renverser le rapport de forces en sa faveur au Liban : l’armée libanaise, censée la désarmer et faire tampon à la frontière, selon les termes de ce cessez-le-feu, la laisserait à peu près libre de tous ses mouvements, et les opposants libanais au Hezbollah, les Chrétiens et les Druzes notamment, prenant acte de la nouvelle situation, finiraient par lui faire allégeance…

Le conflit prend officiellement fin le 8 septembre 2006, avec la levée du blocus naval. Dès le 9 septembre, des voix nombreuses, au sein de l’armée, dans la presse (de gauche comme de droite), dans la population, demandant la démission du premier ministre. – Amir Peretz démissionnera de son poste de ministre de la Défense le 12 juin 2007, après avoir été battu par Ehoud Barak au élections à la tête du parti travailliste.

Le 16 janvier 2007, une enquête criminelle est lancée contre Ehoud Olmert : alors qu’il était ministre des Finances, il aurait tenté de favoriser un de ses proches, Franck Lowy, magnat australien de l’immobilier, lors de la privatisation partielle de la Banque Leumi. Les charges seront abandonnées, faute de preuves concluantes.

En avril 2007, des rumeurs laissent entendre que Ehoud Olmert, alors qu’il était ministre du Commerce, de l’Industrie et du Travail, aurait illégalement participé à un fonds d’investissement, ce qu’il niera énergiquement au cours d’une enquête parlementaire (juillet 2007).

Le 2 mai 2007, la Commission Winograd accuse Ehoud Olmert d’incompétence dans la conduite de la 2e Guerre du Liban. Plus de 100 000 manifestants défilent et demandent sa démission. Sa côte de popularité tombe à 3 %.



Le 24 septembre, une enquête criminelle est lancée contre Ehoud Olmert : la vente puis la reprise en location-vente de son appartement de Jérusalem en 1999 à des conditions financières avantageuses pourraient dissimuler une contribution illégale à la campagne au sein du Likoud ou un pot-de-vin – ou les deux.

En janvier 2008, les « Russes » quittent le gouvernement pour protester contre la poursuite des négociations avec l’Autorité palestinienne menées par un premier ministre amoindri, apparemment décidé à des concessions de plus en plus étendues – par conviction nouvelle ? Pour sauver son poste ? Avigdor Lieberman, dirigeant-fondateur de Yisrael Beteinu, abandonne son poste de ministre des Affaires stratégiques (!) et, dans les jours qui suivent, Arutz Sheva, journal proche du Parti National Religieux, rapporte qu’une vieille enquête, endormie depuis une dizaine d’années, est soudainement réactivée…

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Intermède. Sous le titre « Exposé Links Olmert, Lieberman and Sharon to Jericho Casino », Ezra Halevy (Arutz Sheva, 24 janvier 2008) revient sur un article de Ha’aretz.

Extraits :

« […] Une enquête de Ha’aretz révèle des liens… entre Martin Schlaff, le financier autrichien du casino Oasis de Jericho [établissement ultra-moderne de près de 10 000 m2, joint-venture austro-palestinienne établie dans l’après-coup des Accords d’Oslo, ouvert à grand bruit en 1998 et fermé peu après pour cause d’Intifada), […] proche d’Yitzchak Rabin avec lequel il s’entretenait quelques heures à peine avant son assassinat, le 4 novembre 1995, le premier ministre Ehoud Olmert et son prédécesseur, Ariel Sharon…

Martin Schlaff, dont les relations avec la police politique allemande, la Stasi, étaient notoires du temps de la Guerre froide, précise Ha’aretz, [plus réprobateur qu’impressionné par la puissance de connexion de l’homme d’affaires…]. Martin Schlaf qui a « finalisé » son projet avec l’aide d’Aryeh Dehri, Benjamin Netanyhaou étant premier ministre ; les deux hommes avaient été mis en contact par Dov Weissglas – qui deviendrait chef de cabinet d’Ariel Sharon et, à ce titre, coordonnateur du désengagement de Gaza.


[…] Pendant des années, des personnalités du monde des Jeux ont cherché, mais sans résultat, à ouvrir des casinos en Israël… Après la mise en œuvre de la première partie des Accords d’Oslo – rétrocession de Gaza et de Jéricho à l’Autorité palestinienne – il devenait inutile d’obtenir l’accord de la Knesset… Le jeu restait illégal en Israël mais les Israéliens pouvaient désormais se rendre librement à Jéricho et laisser 1 million de dollars par jour, en moyenne, sur les tables du casino Oasis. Les Palestiniens, eux, étant dissuadés d’aller jouer par l’Autorité palestinienne….

Peu après le début de la 2e Intifada, des [groupes palestiniens mal identifiés (!)] avaient investi le casino Oasis pour pouvoir tirer commodément sur les troupes israéliennes. En riposte, un char avait tiré un obus et fait un trou dans la façade… Martin Schlaf avait alors activement tenté d’obtenir un cessez-le-feu, pour que le casino puisse reprendre ses activités. La plus importante révélation de Ha’aretz est qu’il l’aurait fait par l’intermédiaire d’Ehoud Olmert, alors maire de Jérusalem […]

Ehoud Olmert aurait ainsi rencontré 6 fois Mohammed Rashid, [conseiller économique de Yasser Arafat et] partenaire dans le casino Oasis], la dernière entrevue se faisant en présence d’Eli Yshai, nouveau dirigeant du Shas, et de Dov Weissglass […]

[…] [A l’origine de l’enquête de] Ha’aretz, Uri Blau, militant de gauche devenu journaliste, désireux de rendre publique la corruption de Lieberman, même au prix de la chute de Ehoud Olmert et d’Ariel Sharon… Ariel Sharon, soupçonné par la police d’avoir reçu 3 millions de dollars de Martin Schlaf, par l’intermédiaire du milliardaire sud-africain Cyril Kern, pour qu’il lui permette d’ouvrir des casinos off-shore sur des bateaux ancrés au large d’Eilat – transfert confirmé par la police autrichienne ; Avigdor Lieberman, soupçonné d’avoir reçu en août 2001, 650 000 dollars du même Martin Schlaf, par l’intermédiaire d’une société basée à Chypre qu’il possédait avec sa fille – il était alors ministre des Infrastructures dans le gouvernement d’Ariel Sharon –, et dont l’avocat déclare qu’il a vendu la dite société en avril 2001... »

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Re-Pause.

A l’évidence, l’époque du Mapaï de Ben-Gourion est révolue (!), où des ministres vivant au kibboutz pouvaient s’appliquer à eux-mêmes, sans chercher à en tirer gloire, les restrictions qu’ils imposaient par nécessité à une population luttant pour sa survie élémentaire, soutenus qu’ils étaient par la ferveur révolutionnaire – n’étaient-ils pas, ces militants héroïques et austères, durs pour eux-mêmes, implacables pour leurs ennemis mais aussi pour leurs adversaires, en train d’édifier le socialisme dans « un seul pays » et qu’ils voulaient pleinement « leurs » ? – et la force de leur rejet de la Dispersion – n’étaient-ils pas, ces militants socialistes ayant fait table rase du passé, en train de fabriquer un « homme nouveau » atypique, l’« israélien » ?

Faut-il le regretter ? La dénégation est, par « nature », condamnée à rester provisoire et elle nourrit souvent l'arrogance et la complaisance : ce sont ces sionistes qui, à leur corps défendant, ont pris Jérusalem (qui n’était pas du tout un objectif stratégique, à en croire les historiens les plus hostiles) en 1967, « judaïsant » un territoire instable de ne pas avoir encore de « centre » – ce que ne pouvait pas être Tel-Aviv – et qui le reconnaîtrait immédiatement comme sien – « Jérusalem », signifiant-maître depuis la destruction du Temple par les Romains, redevenait un référent et un lieu à reconstruire ; ce sont ces sionistes-là qui, dédaigneux des capacités de l’adversaire, ont contemplé avec placidité et inertie les assez longs préparatifs de guerre de l’Egypte, qui les surprendrait certain jour de Kippour, le 6 octobre 1973, « habiliterait » un Ariel Sharon, ayant transgressé les ordres mais sauvé le pays, et leur ferait ultimement perdre le Pouvoir. Et, parce que la dénégation ne se transmet pas sans perte, leurs enfants quitteraient par dizaine de milliers un pays qui leur serait devenu étranger pour se perdre aux Etats-Unis – où ils ne soutiennent généralement pas l’action du « lobby juif ».

Faut-il admettre, avec tristesse ou joie maligne, qu’Israël est bien devenu un pays comme un autre, et que ses politiques sont tous détestables ?


Ah ! le beau ressentiment, qui excite la bile. Ah ! la belle moraline qui autorise la posture noble et flatte la vertu de celui qui enrage de ne pas avoir l’occasion de mettre les doigts dans le pot de confiture...
Constatons plutôt ceci : des hommes politiques, qui sont aussi des adversaires souvent acharnés, qui guignent à peu près les mêmes distinctions et privilèges, peuvent se retrouver pour partager les contributions – certes intéressées, mais pourquoi ne le seraient-elles pas ? – d’hommes d’affaires non israéliens qui ne risquent que leur argent et celui de leurs actionnaires quand eux risquent leur peau – et celle de leurs mandants ; des adversaires, retors et déterminés, trouvent bénéfice à entrer en relation, non pour quelque raison doctrinale toujours susceptible de révision, mais pour du concret sonnant et trébuchant – le compte commun de Yasser Arafat et Mohammed Rashid, ouvert dans une grande banque suisse, aurait été géré par des anciens des services secrets israéliens pendant la 2e Intifada ; des électeurs qui ne se détournent pas du politique mais semblent considérer, sagesse terre-à-terre, qu’il est à attendre de ceux qui ambitionnent de les représenter qu’ils estiment avoir droit à une prime pour oser désirer se séparer du « common man » et en subir les conséquences publiques et privées, un « supplément » qui, malgré les apparences, a plus à voir avec l’échange symbolique, le signifiant flottant qui le règle et la socialité qu’il organise, qu’avec la cupidité – comme suggéré plus haut[2].

Un cynique israélien, palestinien, est préférable à un illuminé iranien – est-ce discutable ? –, une Paix se fait ou parce qu’elle est inévitable – l’un des belligérants a anéanti l’autre – ou parce que la représentation des avantages qu’elle promet est plus puissante, quelque douloureuse et difficile que soit, pour chaque individu, la négociation avec son imaginaire « national-culturel » blessé d’être brutalement rétréci, que celle des inconvénients qu’elle entraîne.


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En mai 2008, on apprenait qu’Ehoud Olmert faisait l’objet d’une nouvelle enquête à propos de pots-de-vin qu’il aurait reçus d’un homme d’affaires américain, Morris Talansky, lors de ses campagnes électorales pour la mairie de Jérusalem, pour la direction du Likoud, pour entrer à la Knesset – charge déniée par l’intéressé.

Le 27 mai, Morris Talansky témoigne devant un tribunal israélien et déclare avoir donné plus de 150 000 dollars en liquide – dans des enveloppes ! – à Ehoud Olmert, sur une période de 15 ans, – ce que conteste véhémentement l’intéressé.

Le 30 juillet, Ehoud Olmert déclare qu’il ne participera pas aux élections au sein de Kadima et qu’il démissionnera aussitôt que le parti se sera choisi un nouveau dirigeant.

Le 6 septembre 2008, la police recommande l’inculpation d’Ehoud Olmert.

Le 17 septembre, Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, remporte la « primaire » de son parti, devient leader de Kadima, Ehoud Olmert restant premier ministre, tente de re-former un gouvernement de coalition nationale, renonce officiellement le 24 octobre 2008, le Shas ayant refusé de se joindre à la coalition, et demande au président Shimon Peres d’appeler à des élections nationales anticipées dans les 90 jours, que ce dernier fixe au 10 février 2009.


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Après de longues négociations, le Shas a donc décidé de se retirer, justifiant ce retrait par des divergences persistantes avec Kadima et le Meretz, notamment, à propos des budgets sociaux et du futur statut de Jérusalem. La presse de gauche, redoutant apparemment les élections anticipés qui devraient, selon les sondages, donner une assez confortable majorité au Likoud et à son chef, Benjamin Netanyahou, et estimant que Tzipi Livni avaient fait beaucoup d’efforts en promettant d’allouer des sommes importantes à ces budgets sociaux, a crié au chantage, à l’extorsion, et, ayant probablement en vue Hillary Rodham-Clinton, attribuant sa défaite face à Barack Obama à la misogynie, a fini par se persuader que les vraies motivations du Shas étaient inavouables : ces ultra-orthodoxes ne voudraient pas entendre parler d’une femme à la tête de l’Etat…


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Le 2 novembre 2008, Ynetnews rapporte une décision halakhique du rav Yossef réfutant, dans le référentiel qui est le sien, cette insinuation, et en résume les justifications, telles qu’on peut les lire sur le site (en hébreu) "Halacha Yomit".

Extraits :

« Le rav Ovadia Yossef a déclaré la semaine dernière qu’une femme pouvait, en principe, être premier ministre d’Israël.

Cette décision halakhique, rendue en réponse à une question soumise au rav, concerne le principe et non pas les élections à venir, pour lesquelles les recommandations sont du ressort du Conseil des Sages de la Torah.

‘‘Pour ce qui est de nommer une femme premier ministre, si elle se conduit avec dignité et modestie, si elle contribue à renforcer la religion plus qu’un homme candidat au même poste, alors on doit certainement choisir d’élire cette femme’’.

Le rav Yossef a aussi abordé les aspects problématiques de la question, mentionnant que les Sages […] ont appris du verset « Tu pourras mettre à ta tête un roi dont le Seigneur ton Dieu approuve le choix » (Deutéronome, XVII, 15), que c’est un roi et non une reine qui devrait régner sur Israël, en conséquence qu’une femme ne devrait pas être nommée reine d’Israël aussi longtemps qu’il y a un roi capable de régner. [...] Observant que Maïmonide (Moïse ben Maimon, 1135-c. 1204) dit que ce verset ne vaut pas seulement pour la royauté mais pour toutes les fonctions publiques, le rav Yossef note que d’autres Sages sont en désaccord, estimant que le genre ne concerne que la royauté. Et il ajoute que dans les écrits de Nahmanide (Moïse ben Nahman Gerondi, 1194 – c. 1270) on trouve un passage montrant que si David n’avait pas eu de fils, il aurait été permis, selon la Loi, d’appeler sa fille « reine », qu’elle aurait même pu transmettre la couronne à ses fils, puisque [Nahmanide] écrit que la seule raison pour laquelle David n’a pas laissé la couronne à ses fils, c’est parce qu’il avait des fils.

Il en déduit qu’il n’y a pas d’objection absolue au fait qu’une femme occupe une position d’autorité, reine y compris, à condition qu’elle assume la direction avec modestie.

[Ayant cité les maîtres séfarades] le rav Yossef fait alors référence à une décision halakhique du rav Moshe Feinstein, à propos d’une femme dont le mari, surveillant de cacherout, était décédé et l’avait laissée sans ressource pour subvenir aux besoins de sa nombreuse famille. Cette femme, instruite et « craignant Dieu » [formule conventionnelle pour dire qu’elle observait les Commandements] voulait reprendre le poste de son mari, ce qui l’aurait amenée à superviser une nombre important de travailleurs.

‘‘La question posée était : y a-t-il une raison qui empêche qu’elle soit nommée à ce poste, et qu’elle gagne sa vie ainsi ? Après que [le rav Feinstein] eut longuement délibéré et décidé qu’elle pouvait accéder à ce poste, un rabbin s’était élevé contre cette décision, disant qu’elle conduirait à un effondrement quand l’Etat d’Israël verrait qu’un aussi grand maître permettait qu’une femme devînt surveillante de cacherout : des femmes finiraient par être nommées au Parlement.

Rabbi Feinstein répondit alors qu’on nommait au Parlement israélien des hérétiques et des gens qui n’observent pas le chabat, ce qui est absolument interdit par la Torah’’.

Et le rav Yossef de dire : ‘‘Comme Maïmonide l’a écrit, quiconque ne craint Dieu, même s’il est plein d’une grande sagesse, ne doit pas être nommé « gouverneur » en Israël. L’objectif du « gouvernement » en Israël, c’est de renforcer le pouvoir de la Torah […] pas de l’affaiblir’’.

‘‘Pour ce qui est de la nomination d’une femme, il est clair que, si d’aventure, on avait à choisir entre une femme capable et un homme qui ne l’est pas, on devrait sans hésiter voter pour cette femme-là plutôt que pour cet homme […]’’.

[Plus généralement], il est absolument interdit de soutenir un parti dont les représentants ne craignent pas Dieu […] [mais] s’il se trouve des individus qui ne conviennent pas dans tous les partis, alors on doit préférer ceux qui sont le plus proches de la religion’’… »


A suivre…


Notes :

[1] Tel qu’il apparaît sous les traits de Gino Cervi dans la première adaptation cinématographique du roman de Giovanni Guareschi, Le petit monde de Don Camillo, tournée en 1951 par Julien Duvivier.

[2] En contrepoint, cette remarque de Marcel Déat se souvenant de sa jeunesse socialiste (tendance Jaurès) avant 1914 dans l’exil turinois auquel l’a contraint sa participation très active au régime de Vichy et à la Collaboration (il a été condamné à mort par contumace le 19 juin 1945) : « […] On a assez dit que la démocratie est le régime des peuples heureux et riches ; il faut ajouter que ce bonheur et cette richesse sont en effet condition d’unité ; si les partis discutent sur la sauce, aucun d’eux n’entend renverser la marmite… », M. Déat, Mémoires Politiques (1947), Paris, Denoël, 1989, p. 15.

Sources :

« Mahmoud Ridha Abbas », « Yasser Arafat », « Ariel Sharon », « Shas », « Shimon Peres », « Mohammed Rashid », « 2006 Lebanon War », Wikipedia.org

« Former Shin Bet Officer Ginosar Said Managing PA Money in Swiss Bank », Paldev Archives – December 2002, week 1, lists.mcgill.ca/scripts

Illustrations :

TGV, copyright Patrick Jelin.

Grande face rouge, copyright Alain Rothstein.

Fier Sicambre, courbé, copyright Alain Bellaïche.

Mouchoir, copyright Alain Bellaïche.

Requin, copyright Patrick Jelin.

Grues, copyright Alain Zimeray.

Le Panier (Marseille), copyright Patrick Jelin.

Riga, copyright Serge Kolpa.

Health conscious, copyright Patrick Jelin.

Naïade (Villa Domergue, Cannes), copyright RZ.

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